Bonjour à tous,
Si nous avons traditionnellement tout le mois de janvier pour nous souhaiter une bonne année le bureau de l’ASPMP est dans les temps !
Je me fais donc la porte-parole et nous vous souhaitons collectivement une bonne année 2024.
L’année a commencé sur les chapeaux de roue avec la tenue du Colloque Anniversaire, à l’occasion des 30 ans de la loi de 1994 organisé par l’association Transfaire, l’APSEP et l’ASPMP. Ce Colloque s’est tenu les 18 et 19 janvier à Paris, des actes vont être édités et nous vous les transmettrons.
Pendant ces 2 jours il a été rappelé l’importance de soutenir les professionnels de santé qui œuvrent au quotidien. Une des façons consistent à veiller à ce que les associations continuent à représenter ces professionnels auprès de la tutelle santé et être un interlocuteur de l’administration pénitentiaire.
Dans cette dynamique n’hésitez pas à parler autour de vous de l’ASPMP, pour multiplier les adhésions et ainsi aider à porter la place de la parole des patients et des soignants.
Lien de renouvellement d'adhésion 2024 :
https://www.helloasso.com/associations/aspmp/adhesions/adhesion-aspmp-2024-2
Dans la continuité de 2023, l’année 2024 sera chargée en groupes de travail :
1- Finalisation de la maquette organisationnelle des USMP (volet somatique et psychiatrique) avec la question du financement,
2- Groupe de travail sur la santé mentale des personnes détenues : après l’élaboration d’un Guide de recommandations concernant l’accueil des personnes détenues hospitalisées sur les secteurs de psychiatrie générale, l’état des lieux du premier et deuxième niveau de soin se poursuit ainsi que la relecture du décret de 1986 concernant les SMPR.
3- Finalisation des cahiers des charges fonctionnels et techniques des UHSA dans la perspective de la création des 3 UHSA prévues et la remise à niveau des 9 existantes.
4- La poursuite du groupe de travail sur l’attractivité des métiers.
5- L’avancement (nous le souhaitons) du Guide méthodologique en particulier sur la RDR.
6- Mise en place du 3114 dans les établissements pénitentiaires.
+ Nous sommes également dans l’attente cette année de la mise en place d’un groupe de travail sur les échanges d’information, afin de baliser au niveau national un sujet parfois (extrêmement) conflictuel en local.
+ Par ailleurs, avec l’APSEP nous avons le projet de vous proposer un état des lieux national sur les difficultés voire les entraves aux soins liées aux mesures sécuritaires appliquées dans les établissements et pouvant imposer aux soignants des pratiques heurtant la déontologie et l’éthique.
Nous avons besoin de vous pour faire remonter des situations concrètes auprès de nos tutelles.
N'hésitez pas à vous rendre sur le site de l'ASPMP ( https://www.aspmp.fr ), où vous trouverez des informations mais aussi des propositions de postes à pourvoir, comme dernièrement ceux de la Santé à Paris, à Nîmes, à Marseille…et dans d’autres lieux.
Enfin, les prochaines Journées nationales des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire auront lieu à Marseille les 3 et 4 octobre 2024 avec pour thème :
La Folie sous-main de justice, au-delà de la fascination et de l’exclusion.
Vous avez déjà dû recevoir un appel à Contribution ?
Au plaisir de nous y retrouver,
Bonne Année à tous !
Pour le bureau,
Pascale GIRAVALLI
Présidente ASPMP
Bonjour à toutes et tous,
En cette période de rentrée, les affaires reprennent ainsi que l’énoncé de bonnes résolutions.
La première résolution répond à un vœu formulé par nombre d’entre vous au cours des différents échanges que nous avons pu avoir au cours de l'année au moment des AG ou CA, ou tout simplement lors d'échanges mails ou via le site de l'ASPMP. Elle concerne l’amélioration du lien entre l’ASPMP et ses adhérents ou futurs adhérents sur le travail qui est fait.
Cet éditorial signe le début de cette démarche et nous travaillons à la mise à jour d’un mailing élargi.
Nous comptons également sur chacun d’entre vous pour diffuser toutes les informations que vous recevez autour de vous dans vos réseaux.
Du côté des journées et colloque nous vous annonçons deux grands rendez-vous :
Enfin, les groupes de travail inter ministériels répondant à la feuille de route sur la stratégie de prise en charge des personnes placées sous-main de justice se poursuivent. Nous nous y engageons en articulation avec l'Assocation des Professionnels de Santé Exerçant en Prison [2]. Nous essayons à chaque fois de débattre des différents sujets, de la façon dont nous souhaitons nous engager avec la DGOS, la DGS pour participer in fine à plusieurs groupes de travail réunissant différentes institutions, dont l’Administration Pénitentiaire (DAP), mais aussi la Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), et d’autres associations.
Une attention particulière de notre part en ce mois de septembre se porte sur le groupe de travail consacré au financement des USMP et celui sur la «santé mentale» dans lequel est en train de se finaliser un «guide de bonne pratique» à destination des institutions hospitalières accueillant des patients détenus en SDRE (article L-6111-40-5 du CSP). Ce groupe va se poursuivre avec l’état des lieux des deux premiers niveaux de soins par le dépouillement des questionnaires auxquels vous avez répondu.
Le travail sur le Guide Méthodologique se poursuit également. Nous œuvrons de concert avec l’APSEP sur des sujets complexes (accès aux droits, RDR). Les deux associations travaillent à ce que le Guide méthodologique soit une aide au quotidien pour les professionnels, et pas seulement une liste de bonnes intentions ne tenant pas compte de la réalité du terrain.
Du côté du travail sur les prochaines UHSA, trois groupes de travail sont en cours concernant le financement, le cahier des charges et un groupe plus technique pour les trois constructions/architectures à venir.
Bien sûr, l’ASPMP continue d’engager tout ce travail en lien avec nos préoccupations actuelles. La «maladie psychiatrique» ne peut être un motif de maintien en détention comme c’est le cas actuellement. Si les politiques sécuritaires prédominent au détriment de la «santé» des plus malades et des plus précaires, elles ont pour conséquence un accroissement sans fin de la surpopulation pénale et un impact direct et délétère sur l’état psychique des personnes détenues. Ce qui joue considérablement, même indirectement, sur l’«attractivité» de ce lieu d’exercice pour les professionnels. De nombreuses personnes non accueillies dans les autres institutions finissent au sein des services de psychiatrie et en prison. Cette «loupe sociale» dont nous témoignons permet de se rendre compte de l’état de la justice et de l’hôpital, mais aussi de toutes les autres institutions fondamentales.
Nous avons abordé ces sujets de façon plus approfondie lors de l’AG au mois de juin et continuerons lors de notre prochain CA prévu le 7 décembre 2023.
N’hésitez pas à solliciter les membres du bureau pour tout échange.
N’hésitez pas à nous alerter sur les difficultés rencontrées et si vous avez besoin d’aide et de soutien !
Bonne rentrée et à bientôt.
Pour le Bureau de l’ASPMP,
Pascale GIRAVALLI
Présidente de l’ASPMP
Prochaines Journées nationales des SPMP
Actualités
Aux adhérents et sympathisants,
Le 28 avril 2022 nous avons pu à l’issue d’une procédure de vote électronique, organisé de main de maître par Olivier Giron, renforcer le conseil d'administration (CA) avec l’accueil de quatre nouveaux membres.
Les fonctions au sein du bureau ont été par la suite redéfinies.
Le CA et le bureau ainsi stabilisés, cela va nous permettre d’engager la suite d’un travail concerté sur des thèmes choisis.
Lors du prochain CA qui aura lieu pendant les journées interUHSA prévues à Lille les 23 et 24 juin 2022 en présentiel et distanciel, nous pourrons commencer à travailler à l’élaboration d’un règlement intérieur qui puisse accompagner la question du sens de l’association, de son souci éthique et de ses règles.
Cela pourra aider à formaliser un espace de réflexion ouvert sur d’autres disciplines qui viendra alimenter le va et vient permanent et indispensable entre théories, rencontres cliniques et dynamiques institutionnelles.
Du côté de la fonction de représentation de l’ASPMP auprès de notre tutelle santé et de ses partenaires, le calendrier semble s’accélérer avec la venue de l’été.
La feuille de route sur la prise en charge sanitaire des PPSMJ va se clôturer prochainement laissant la place à une nouvelle avec de nouvelles priorités.
Souhaitons que les priorités énoncées rencontrent les nôtres.
Si la place de l’ASPMP et de la Coordination Nationale des UHSA est acquise dans les groupes de travail (GT) en cours :
- GT cahier des charges
- GT financement des UHSA
- GT 2ème tranche des UHSA
Notre place dans la relecture du Guide Méthodologique n’a pas été à la hauteur de nos attentes. Nous avons ainsi 15 jours pour relire une dizaine de fiches et donner notre avis.
Dans ce contexte, nous allons peut être devoir, comme lors de la dernière modification en 2019, communiquer sur nos désaccords.
Enfin, un groupe de travail sur la Santé mentale des personnes détenues avec la DAP serait en cours de préparation. Nous avons demandé qu’il y ait des réunions santé préparatoires au travail avec le partenaire pénitentiaire pour travailler la concertation.
Voyez comment la poursuite de la tâche s’avère ardue mais incontournable.
Si le collectif continue à prendre forme, il prendra sens et vice versa, et nous permettra de ne rien lâcher et d’envisager avec engagement l’organisation des prochaines journées des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire.
Actualités
Actualités
"Aux adhérents et aux sympathisants ASPMP",
Depuis l'entrée en fonction de la nouvelle mandature le 17 mars dernier, le bureau de l’ASPMP a élaboré et co-signé plusieurs communiqués disponibles sur ce site.
Divers groupes de travail ont récemment repris leur cours au niveau national au sujet des soins aux personnes placées sous-main de justice, et notre participation y a été sollicitée en présence de différents acteurs des ministères de la Santé, de la Justice, et de responsables de l’Administration Pénitentiaire. Nous y prenons notre place, dans une proximité fructueuse avec nos collègues somaticiens de l’APSEP (Association des professionnels de santé exerçant en prison).
Ces réflexions et « feuilles de route » qui se dessinent concernent notre domaine spécifique des relations Psychiatrie - Justice, mais ils touchent également la dimension plus large de la Psychiatrie générale, à laquelle nous ne cessons de nous relier dans notre exercice "de secteur" en milieu carcéral, au travers de nos soins de niveaux 1 (ambulatoires DSP, SMPR, CATTP), 2 (hôpitaux de jour SMPR), et 3 (hospitalisations complètes UHSA).
Comme vous l'avez observé, certains sujets ont de plus malheureusement été mis au premier plan des politiques nationales, dans un contexte d'actualité judiciaire chargée et de période électorale débutante.
Une surenchère sécuritaire tend ainsi à remettre en cause une fois de plus des aspects fondamentaux de la Psychiatrie et de nos soins, au niveau de leurs mises en place en milieu carcéral en particulier (secrets, confidentialité, libre consentement, responsabilité pénale...).
Nous notons également la persistance de certaines sollicitations pénitentiaires vis-à-vis de nos services quant au "partage d'informations", notamment par une volonté de nous faire nous approprier leurs outils que constituent le logiciel GENESIS ou le document de transfèrement DOT. A ce sujet, notre position a toujours été qu’un "échange d'informations" ne pouvait être acceptable que s’il concernait uniquement des données administratives, s’il était ponctuel, et s’il s’effectuait en donnant une place centrale et responsable à nos patients en vue d’assurer leur accès à une offre de soin individualisée et de qualité.
Ces sujets semblent donc revenir de façon insistante, dans une recherche insatiable de maîtrise et de transparence, et nous tenons à vous informer que nous maintenons notre position soignante de résistance et d'indépendance vis-à-vis de ces moyens de gestion pénitentiaire.
"Nous sommes là pour soigner nos patients et non pas la prison".
Les soignants intervenant en milieu pénitentiaire ne sont pas là pour soigner l’institution carcérale, pour panser ses dysfonctionnements, ses failles et ses murs abrasifs, mais bien pour tenter de penser et proposer un soin individualisé et adapté aux personnes y étant détenues.
Pour cela, et en vue de permettre ensuite à un authentique travail thérapeutique d’émerger, il faut déjà pouvoir avoir accès à elles par l'élaboration d'une confiance, d'une alliance thérapeutique détachée de tout autre enjeu de contrôle, se construisant à leur rythme, dans le respect de leur subjectivité, avec leur consentement et leur participation active et responsable.
Chers collègues, sachez que l’équipe du Bureau de l’ASPMP renouvelle donc aujourd’hui plus que jamais son engagement en ce sens, par un travail permanent d'information, de sensibilisation, de recadrage, dans les diverses instances et auprès de nos différents interlocuteurs, au niveau national comme plus localement.
Nous souhaitons de plus ouvrir sur ces différents sujets des réflexions plus approfondies, et nous appelons ainsi à vos témoignages ou contributions quant à vos expériences ou observations du fonctionnement des soins psychiatriques en milieu pénitentiaire et des obstacles, des attaques ou des tentatives d'instrumentalisation auxquels ils peuvent être confrontés.
"Associativement vôtre",
Dr David SECHTER
Secrétaire de l’ASPMP
Nouvelle mandature pour l'ASPMP
Le mercredi 17 mars 2021 lors de son Assemblée générale annuelle, l’ASPMP a renouvelé son conseil d’administration et a élu un nouveau bureau.
Blandine Barut me succède en tant que présidente après que j’ai assuré deux mandats de quatre ans. Cette fonction a été très prenante, car l’ASPMP est très présente dans les travaux autour de la psychiatrie en milieu pénitentiaire. Il est toujours émouvant de quitter un engagement et d’arrêter un exercice professionnel auprès des personnes détenues — l’heure de la retraite ayant sonné — dans ce contexte aussi particulier qu’est le milieu carcéral. Il est tout aussi émouvant de prendre conscience que je n'aurai plus les liens aussi réguliers de camaraderie qui m'unissaient avec les membres de l’association et tout particulièrement avec les amis du bureau.
Je remercie Blandine Barut de relever le défi de la présidence qui peut empiéter grandement sur la vie personnelle et qui s'ajoute aux charges professionnelles quotidiennes. Elles sont d'ailleurs déjà importantes pour Blandine Barut qui est cheffe de pôle et vice-présidente de la CME de son hôpital. Il est intéressant de constater que la présidence de l'ASPMP se poursuit avec une responsable d'un service de soins ambulatoires en prison et non d'un SMPR.
J'ai été le premier président de l'ASPMP, non chef en fonction d'un SMPR, mais intervenant dans un unité sanitaire (un dispositif de soins psychiatriques) d'une petite maison d'arrêt dans le cadre de l'activité sectorielle d'un hôpital psychiatrique. Avant ma présidence, toutes les présidences avaient été assurées par un ou une responsable de SMPR. La diversité dans l’exercice de la pratique en milieu pénitentiaire, s’étendant de la consultation ambulatoire, aux hôpitaux de jour et à l’hospitalisation temps plein en UHSA et par défaut en centres hospitaliers spécialisés est toujours à soutenir, comme est à maintenir en permanence les relations avec la profession hors milieu carcéral. C'est pour affirmer l'importance de cette dernière mission que le nouveau bureau a instauré un poste de relation avec le milieu ouvert et qui est confié à Eric Kania, psychiatre au SMPR de Marseille.
Il en est de même pour la diversité des professions au sein de l’ASPMP et même si les psychiatres restent encore les plus nombreux au sein du conseil d’administration, il est heureux de constater la présence d’une cadre supérieure de santé et de deux cadres de santé dans le conseil d’administration et de neuf psychologues dont deux au bureau. Comme le conseil d’administration peut encore être complété par cinq postes, peut-être la diversité pourra-t-elle se poursuivre avec l’arrivée de nouvelles candidatures aux prochaines assemblées générales.
Mais la passation de relais s’étant faite dans une ambiance conviviale, même si la situation sanitaire a imposé une AG en visioconférence, je sais que la continuité est assurée avec des modalités similaires d’efficacité et d’intensité des échanges, notamment autour des questions éthiques qui se posent continuellement dans l’exercice médical en prison.
Comme il est toujours plus aisé, et moins brutal surtout pour un organisme « vieillissant" d’avoir un sevrage progressif, et après avoir cumulé les mandats ces dernières années, je resterai quand même proche de l’ASPMP, notamment du fait de ma présence à la nouvelle Commission nationale de psychiatrie, en tant que copilote, avec le Professeur Jean-Louis Senon et madame Claude Finkelstein (présidente de la FNAPSY) de la sous-commission de psychiatrie légale qui aura parmi ses missions à étudier les parcours de soins en milieu pénitentiaire. La compétence de l’ASPMP sera alors requise pour apporter son éclairage judicieux.
Je souhaite donc à la nouvelle présidente, au nouveau bureau et à toutes ses nouvelles administratrices et tous ces nouveaux administrateurs (composition du CA ci-dessous), une mandature active et passionnante tout en informant de manière éclairée les adhérents et sympathisants de l’ASPMP.
Associativement vôtre,
Dr Michel DAVID
Président sortant de l’ASPMP
Actualités automnales
Les 27e Journées nationales des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire prévues à Cherbourg en avril dernier n’ont donc pas pu se tenir, rattrapées par la pandémie naissante en France. C’est évidemment une déception pour toute une équipe qui y travaillait depuis plusieurs mois, d’autant plus que pour la première fois, ces journées étaient organisées par une petite équipe de secteur de psychiatrie générale intervenant en prison et non un service médicopsychologique régional (SMPR). Ces Journées normandes sont annulées et non reportées. Elles resteront dans la mémoire associative sous forme de programme et de quelques contributions et marqueront une année exceptionnellement dramatique. Pour l’instant, les 28e Journées ne sont pas encore programmées.
Une déception certes, mais sans gravité à côté de celle qui a touché plus de 30 000 personnes décédées en France et attristé leur entourage, sans oublier tous les autres malades et qui souffrent encore de séquelles et ne sont pas totalement remis de l’infection.
Dégagée de la charge de la préparation du congrès, l’équipe intervenant sur la maison d’arrêt de Coutances dans la Manche a pu se concentrer sur les soins en assurant une continuité pendant la période de confinement et pourra au moins compenser sa déception par le plaisir d’avoir réussi mi septembre en collaboration avec l’équipe du secteur psychiatrique, le patient, son avocate, la juge d’application des peines et l’administration pénitentiaire, une suspension de peine pour raison psychiatrique (photo jointe). Le fait est suffisamment rare pour être signalé. Il convient d’ailleurs de faire remonter les suspensions de peine pour raisons psychiatriques au ministère de la Santé afin d’en établir le recensement, mais également les demandes de suspension qui n’ont pas été obtenues, probablement plus nombreuses, et les motifs des refus.
Sur le plan associatif, l’assemblée générale de l’ASPMP devait se tenir, comme à l’accoutumée, lors des Journées nationales. Elle n’aura pas lieu cette année, mais probablement en février/mars où il faudra renouveler le conseil d’administration et le bureau. Un Conseil d’administration élargi se tiendra toutefois en visioconférence le samedi 12 décembre afin de faire le point sur la situation sanitaire dans les prisons et pour préparer l’assemblée générale.
Malgré une forme d’inertie collective due à l’épidémie, l’ASPMP reste présente dans le débat sur les prisons comme le montre son engagement récent dans une action pluri associative dénonçant le retard pris dans une démarche de réduction des risques sanitaires auprès des personnes détenues (communiqué ci-dessous).
Enfin, et surtout, et ce n'est pas sans rapport avec le communiqué cité supra, il convient de terminer sur la décision n°2020-858/859 QPC du Conseil constitutionnel du 2 octobre 2020 pour faire suite à une question prioritaire de constitutionnalité. Le Conseil constitutionnel demande une loi pour faire respecter la dignité humaine en prison. A lire la décision ci-dessous.
Dr Michel DAVID
Président de l’ASPMP
Maintenir un cap
Les 27e Journées des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentaire n'auront pas lieu comme prévu. Certes, nous n’aurons pas le plaisir de nous retrouver le 6, 7 et 8 avril pour ces Journées qui devaient se tenir à la belle Cité de la Mer de Cherbourg et qui sont bien entendu annulées pour cause de pandémie avec même un pic survenant au moment de notre rendez-vous.
Évidemment, nous le regrettons tous. Mais si ces Journées sont annulées dans la forme prévue, elles pourront exister sous une autre forme. Le coronavirus ne les aura pas tuées, mais sera l’occasion de les faire vivre autrement. Ces Journées ne seront pas reportées et les suivantes seront les 28e Journées avec un autre thème, et d’autres équipes.
Ces Journées étaient organisées pour la première fois, non pas par une équipe de Service médico-psychologique régional (SMPR), mais par des équipes de secteur de psychiatrie générale de la Fondation Bon Sauveur de la Manche desservant les maisons d’arrêt de Coutances et de Cherbourg.
Mais les comités d'organsiation et scientifique tiennent à faire vivre ces journées, auiss nous proposons aux intervenantes et intervenants pressenti(e)s d’y contribuer en écrivant un texte en relation avec leur intervention, mais pouvant inclure des réflexions sur le moment présent qui ne peut qu’alimenter la thématique des Journées qui s’ouvraient notamment sur la question d’une éthique de la privation de liberté. Privation de liberté d’aller et venir qui nous concerne tous actuellement. Nous avons également l’intention d’ouvrir cet échange aux congressistes qui souhaiteraient livrer leurs réflexions, ainsi que tout professionnel ou usager concerné.
À l’issue de ce travail collectif, nous colligerons les interventions pour en faire un document PDF, voire éventuellement plus, afin que soit gardée une trace de ces 27e Journées. Les contributions peuvent prendre la forme d’une page A4 à un texte plus important (à communiquer en format Word, 12 pouces à michel.david.aspmp@gmail.com) avec comme date limite d’envoi le 30 juin, en espérant que le confinement, la surcharge des services de réanimation et la souffrance des personnes les plus lourdement affectées auront alors pris fin. N’hésitez pas à me joindre pour toute demande de renseignement complémentaire.
Je vous remercie les intervenantes et intervenants d’avoir répondu à notre invitation à ce congrès. Je remercie aussi infiniment les équipes psychiatriques exerçant sur les maisons d’arrêt de Cherbourg et de Coutances, ainsi que la direction et l’administration de la Fondation Bon Sauveur de la Manche qui se sont investies sans réserve pour organiser ces Journées.
Evidemment, la vie professionnelle continue et elle est particulièrement délicate en prison. Vous trouverez ci-dessous des recommandations du ministère de la Santé relatives au Coronavirus en détention qui date du 03/03/2020 et qui seront probablement bientôt réactualisées.
Egalement, juste avant le confinement a été organisée une réunion au ministère de la Santé sur un état des lieux des SMPR dans le cadre du comité de pilotage de la psychiatrie coprésidée par le professeur Pierre Thomas. Initialement prévue présentiellement, cette journée s'est déroulée en partie en téléconférence afin d'éviter un regroupement de personnes. Un questionnaire doit être envoyé aux SMPR.
N'hésitez pas à faire remonter à l'ASPMP toutes remarques sur ce que vous vivez actuellement dans votre exercice professionnel en prison.
Enfin, l'assemblée générale annuelle de l'ASPMP qui devait se tenir lundi 6 avril juste avant l'ouverture des journées a été bien entendu annulée et elle devrait se tenir probablement à Paris à la fin de l'année.
Bon courage à tous et prenez bien soi de vous, de vos proches et de vos patients bien évidemment.
Dr Michel DAVID
Président de l’ASPMP
Éditorial mars 2020
Les priorités changent
Les psychiatres sont souvent sollicités pour prédire le comportement d’autrui. Bien qu’ils répètent régulièrement que tout être humain peut se comporter de manière imprévisible, les psychiatres restent suspects de vouloir cacher un avenir qu’ils connaîtraient bien.
Pourtant, l’existence nous donne chaque jour la preuve de l’incertitude du monde et tout particulièrement en ce moment épidémique.
Toutefois, une chose est certaine : les 27e Journées des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire qui devaient se tenir à Cherbourg le 6, 7 et 8 avril 2020 sont annulées, mais une autre chose est incertaine : auront-elles lieu un jour ou seront-elles suivies de 28e Journées avec un autre thème et dans un autre lieu, les 27e restant comme un projet inachevé, témoin d’un moment exceptionnel de grande inquiétude ? Je vais proposer aux intervenants de rédiger s'ils le souhaitent un texte relatif à leur intervention et qui pourrait s’inspirer du moment exceptionnel que nous vivons tous. Ces écrits pourraient être regroupés et témoigneraient du souvenir de Journées que nous aurons passé confinés, incitant à réfléchir sur une privation collective de la liberté d’aller et venir.
Les équipes de psychiatrie qui interviennent dans les maisons d’arrêt de Coutances et de Cherbourg se sont beaucoup investies dans la préparation de ces journées, d’autant plus qu’elles étaient organisées pour la première fois par des professionnels de secteur de psychiatrie générale intervenant sur des petites maisons d’arrêt et non par ceux d’un service médico-psychologique régional (SMPR). Leur déception est évidemment importante et je ne peux que les remercier pour leur investissement, mais les priorités sont perçues par toutes et tous et tout le monde est sur le pont pour affronter l’épidémie.
L’urgence du moment est bien entendu la réponse soignante à l’épidémie. Les ajustements des soins en milieu pénitentiaire devront être attentifs au contexte très particulier et paradoxal qu’est le milieu pénitentiaire. Le confinement permet d’éviter les concentrations de personnes et la propagation de l'épidémie, mais la prison, tout en étant un espace confiné, est un espace à risque du fait de la surpopulation pénale et des angoisses inévitables ne manqueront pas de survenir chez toutes les personnes fréquentant la prison.
Dr Michel DAVID
Président de l’ASPMP
Augmenter l’offre de soins psychiatriques en prison : non
Diminuer les causes de mauvaise santé mentale : oui
Dans son avis du 14 octobre 2019, que l’ASPMP a commenté (texte sous l’éditorial), le Contrôle général des lieux de privation de liberté (CGLPL) considère que l’accès aux soins psychiatriques en prison est insuffisant, inégal et inférieur à celui en milieu libre. Il conviendrait d’augmenter l’offre de soins. Dans la même veine, l’axe 4 de la stratégie santé des personnes placées sous main de justice d’avril 2017 (https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/strategie_ppsmj_2017.pdf) prévoit l’amélioration de l’accès aux soins des personnes détenues. Évoquant d’ailleurs cette stratégie, on peut s’interroger actuellement sur le devenir de la démarche de « co-construction » (pour reprendre la novlangue en usage) qui semble s’être évanouie depuis septembre 2019.
Améliorer l’accès aux soins est une fausse bonne idée. Non seulement, car il ne faut plus se leurrer : les moyens manqueraient pour le faire, mais il faudrait aussi trouver des psychiatres.
La prison permet de préciser la distinction qu’il convient de faire entre psychiatrie et santé mentale. La confusion s’est installée avec l’usage croissant du « concept » de santé mentale, de telle sorte que l’on ne sait plus trop ce qui relève de la psychiatrie et de la santé mentale. Il est d’ailleurs toujours étonnant de voir associer psychiatrie et santé mentale, bien que l’usage s’en banalise au point de nommer un délégué à la santé mentale et à la psychiatrie. Aurait-on l’idée de nommer un délégué à la santé physique et à la médecine ? L’OMS considère que « La santé mentale fait l’objet d’un large éventail d’activités qui relèvent directement ou indirectement du « bien-être », tel qu’il figure dans la définition de la santé établie par l’OMS comme étant « un état de complet bien-être physique, mental et social, et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». La santé mentale englobe la promotion du bien-être, la prévention des troubles mentaux, le traitement et la réadaptation des personnes atteintes de ces troubles » (https://www.who.int/topics/mental_health/fr/). Selon cette définition, la psychiatrie, soit le traitement des troubles mentaux, est une composante de la santé mentale, mais dans une progression débutant par l’état idéal du « bien-être » pour finir par le traitement des pathologies mentales.
Promouvoir le « bien-être » n’appartient pas qu’à la psychiatrie, loin de là, mais concerne l’ensemble de la société. Savoir négocier, préparer une réforme, la proposer et la présenter de manière pédagogique devrait permettre d’éviter le mal-être d’une population engluée dans de redoutables problèmes de transports et d’une inquiétude quant aux conséquences d’une proposition de loi particulièrement floue. Réduire la pénibilité ou la pression de rendement excessif sur les travailleurs diminuerait le surmenage (ou « burn out », pour parler encore de manière moderne) et le recours à la psychiatrie.
Promouvoir la santé mentale et le bien-être en prison est une gageure, mais peut surtout passer pour de la provocation. Toutefois, le mal-être pourrait être diminué en améliorant les conditions carcérales : abolir la surpopulation, construire des établissements pénitentiaires de petite taille et non les monstres comme Fleury-Mérogis, réactivité de l’assistance sociale pour résoudre les problèmes inhérents à l’incarcération : relations avec le milieu ouvert (loyers, employeurs, abonnements EDF, eau, assistance de l’entourage, rémunérations maintenues des présumés innocents, etc.), justice moins lente, informations régulières données sur la situation judiciaire, pénitentiaire, avocats plus réactifs, activités et formations préparant le retour à la vie libre et donnant une occupation plutôt que l’oisiveté habituelle, transferts rapides en établissements pour peine après la condamnation plutôt que végéter dans les maisons d’arrêt, notamment quand une évaluation dans un centre national d’évaluation (CNE) est prévue, mais nécessitant de longs mois d’attente avant d’être réalisée, etc. Et bien entendu, pour limiter le « flux » d’entrée, en considérant comme le veut la loi, que l’incarcération ne doit être qu’un dernier recours en imposant une évaluation psychiatrique préalable, des personnes manifestement psychiquement perturbées. Et faciliter les flux de sortie en mettant les moyens nécessaires à préparer la libération.
Il serait aisé de multiplier les facteurs qui permettraient d’éviter stress, dépression, violences améliorant le contexte carcéral dont profiteraient évidemment les personnes détenues, mais aussi le personnel pénitentiaire.
Diminuer l’incarcération, améliorer les conditions de vie, contribuerait à la santé mentale dans sa phase initiale et diminuerait très certainement le besoin en soins psychiatriques dans la prison. On pourrait même faire l’économie d’une couteuse deuxième tranche d’UHSA qui ne représente que la fuite en avant d’une inflation carcérale dont les résultats ne semblent pas probants. Le fait que le rapport IGAS/IGJ sur les UHSA ne soit pas rendu public est peut-être l’indice que les pouvoirs publics sont bien embarrassés avec la question carcérale, d’autant plus que l’obsession sécuritaire (à laquelle ils contribuent d’ailleurs largement) empêche d’avoir une politique carcérale ambitieuse tournée vers la réinsertion ou l’évitement de la désinsertion.
En poussant le raisonnement au bout, le recours à la psychiatrie devrait être identique à celui des autres spécialités médicales. Cardiologues, gastro-entérologues, dermatologues, gynécologues, etc. ne viennent pas en prison. Ils sont consultés à l’hôpital où sont extraites les personnes détenues. Le recours au psychiatre étant devenu moins fréquent du fait de l’amélioration de la situation carcérale pourrait se faire de la même manière que pour les autres spécialistes. Pour les interventions qui nécessitent une régularité plus importante, comme celles des psychologues, il serait possible de les intégrer à l’équipe somatique de l’unité sanitaire. L’économie en termes de personnels et de locaux serait considérable.
Opter pour cette politique d’amélioration du contexte carcéral permettrait d’éviter la psychiatrie dans la prison (c’est-à-dire cumuler des pratiques privatives de liberté). Évidemment, ce n’est que le rêve « fou » de début d’année d’un psychiatre de voir la santé mentale promue en prison ou la psychiatrie ne serait qu’un ultime et rare recours pour les personnes détenues. Promotion aussi prévue dans l’axe 2 de la stratégie santé évoquée plus haut dans les termes suivants : « Développer la promotion de la santé des personnes placées sous main de justice tout en long de leur parcours en faisant de la promotion de la santé un fondement de l’action en santé ». Pour une fois qu’un professionnel n’est pas dans la revendication corporatiste de plus de moyens. A retenir donc. Mais ce n’est, répétons-le, qu’un rêve et pas forcément partagé par tous les professionnels de santé en psychiatrie.
Un vœu toutefois pour 2020 : vous voir nombreux aux 27e Journées des Secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire qui se tiennent à Cherbourg le 6, 7 et 8 avril 2020 intitulées : « Psychiatrie enfermée, psychiatrie obligée, psychiatrie oubliée, mais psychiatrie libérée ? » et pour lesquelles vous trouverez tous les renseignements utiles sur ce site et sur www.fbs50.fr et qui est une occasion de débattre de tous ces sujets, mais pas uniquement entre professionnels de la psychiatrie en milieu pénitentiaire, mais avec la psychiatrie générale et toutes les personnes intéressées, à titre personnel ou professionnel, aux questions carcérales. En outre, n’hésitez pas à prolonger votre séjour dans le Cotentin et plus largement dans le département de la Manche en profitant d’un fort coefficient de marée (116) et la possibilité d’admirer le Mont Saint-Michel devenue une île.
Dr Michel DAVID
Président de l’ASPMP
Entre inertie et frénésie
La rentrée est plutôt calme sur le front des soins aux personnes détenues et non détenues, mais sous main de justice.
Le professeur Franck Bellivier, délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, et le professeur Pierre Thomas, coprésident du Comité de pilotage de la psychiatrie prennent leurs marques depuis leurs nominations récentes.
Toutefois une réunion récente à la DGOS a permis d'entrevoir les priorités du ministère sur le parcours de soins des personnes détenues, notamment en évaluant le "niveau 2", soit les hôpitaux de jour principalement positionnés sur les services médico-psychologiques régionaux (SMPR). Il s'agira également de réévaluer la mission régionale des SMPR. La méthode pour mener ce travail est en cours d'élaboration au ministère.
A noter qu'à l'occasion de cette réunion, j'ai insisté pour exprimer l'impatience des professionnels de santé exerçant en milieu pénitentiaire pour que soit rendu public le rapport de l'IGAS et de l'IGJ sur les UHSA, pourtant connu des ministères de la Santé et de la Justice depuis novembre 2018. Une telle lenteur à la communication de ce rapport ne peut qu'entraîner interrogations et suspicions.
Voilà pour l'inertie.
Pour la frénésie, voici la première : il s'agit du travail qui a été fourni pour préparer les 27e Journées des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire qui se dérouleront à Cherbourg le 6, 7 et 8 avril 2020 avec comme titre : "Psychiatrie enfermée, Psychiatrie obligée, Psychiatrie oubliée, mais psychiatrie libérée". Il s'agira de faire dialoguer tous les acteurs de la psychiatrie, et pas seulement uniquement ceux qui travaillent en prison. Le parcours d'une personne détenue a connu un avant et surtout, il faut préparer l'après.
Vous trouverez toutes les informations sur le site de l'hôpital support de la manifestation : La Fondation Bon sauveur de Saint-Lô : www.fbs50.fr
Les originaux locaux où se tiennent les Journées, la Cité de la Mer, vous raviront mais ne permettent pas la tenue d'ateliers. Pour que les équipes puissent participer, un appel à poster est lancé.
Hâtez-vous pour vous inscrire et surtout réservez votre hébergement pour lequel vous aurez des informations également sur le site.
Enfin, les Journées se déroulent, et nous choisi la date expressément, lors d'une semaine de très grande marée (coefficient 116), alors si vous voulez prolonger votre séjour en admirant le Mont-Saint Michel devenu une île, ou toues les grandes marées sur les plages aux étendues infinies, n'hésitez pas vous garderez un souvenir inestimable de votre séjour, aussi bien professionnellement que touristiquement.
Pour la deuxième frénésie, vous trouverez ci-dessous une analyse de l'ASPMP sur l'avis du 14 octobre 2019 du Contrôleur général des lieux de privation de liberté relatif à la prise en charge des personnes détenues atteintes de troubles mentaux. Malgré l'envahissement prenant du travail clinique quotidien, l'ASPMP ne relache pas la pression pour prendre de la distance avec nos pratiques.
Bonne lecture de fin d'année.
Dr Michel DAVID
Président de l'ASPMP
De l'actualité de la psychiatrie en milieu pénitentiaire
Le professeur Franck Bellivier, récemment nommé par la ministre de la Santé et des Solidarités dans les fonctions de délégué ministériel à la santé mentale et à la psychiatrie, pourra porter son attention sur la psychiatrie en milieu pénitentiaire et aider à la poursuite des travaux engagés depuis des mois par le ministère de la santé sur ce sujet.
L'ASPMP sera présente pour lui fournir toutes les informations nécessaires à cet exercice difficile dans un milieu qui peine à se réformer. La France est un des pays ayant un taux de détention provisoire très important : 30 % des détenus, contre moins de 15 % en Espagne, Pologne et Grande-Bretagne https://www.ouest-france.fr/societe/prison/prisons-en-europe-le-nombre-de-personnes-detenues-diminue-6291568
L'Administration pénitentaire considère que tous les problèmes des prisons seraient résolus si les trop nombreux malades mentaux (qu'elle estimerait justement à environ 30%) se trouvaient à l'hôpital psychiatrique. C'est évidemment complètement faux. Même si de nombreuses personnes détenues présentent des manifestations psychopathologiques, elles ne relèvent pas d'hospitalisations en psychiatrie. L'Administration pénitentiaire, composante du ministère de la Justice, devrait d'ailleurs plutôt se tourner vers les magistrats qui ont considéré que les personnes détenues étaient pleinement responsables et avaient leur place davantage en prison qu'à l'hôpital.
Ces quelques remarques indiquent que des démarches rationnelles et argumentées n'ont guère de poids face à certains fonctionnements administratifs.
Pour l'heure, l'ASPMP vous informe avoir demandé son adhésion à la Fédération Française de Psychiatrie (FFP), devenant ainsi la 35e association scientifique de la FFP montrant ainsi que la psychiatrie en milieu pénitentiaire est une psychiatrie à part entière et non entièrement à part. Les journées nationales des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire Journées nationales 2020 qui auront lieu à Cherbourg en avril 2020 en seront l'expression et permettront des échanges entre toutes les composantes de la psychiatrie. Retrouvez également l'éditorial de la FFP relatif à l'appropriation de la psychiatrie pour traiter la radicalisation.
Dr Michel DAVID
Président de l'ASPMP
L'ASPMP et le fichier Hopsyweb
L'ASPMP maintient sa vigilance sur les questions éthiques en milieu pénitentiaire. Après le rapport sur la mise en cause de l'indépendance professionnelle et du secret médial en prison (Cf. éditorial du mois de mars et le mémoire qui s'y rapporte), l'ASPMP vient de déposer une "intervention volontaire" auprès du Conseil d'Etat pour demander l'annulation du décret Hopsyweb en soutien du recours exercé par le Syndicat des Psychiatres des Hôpitaux (ci-dessous, le texte de l'intervention volontaire et les pièces annexes qui l'accompagne).
L'ASPMP soutient tous les arguments du recours du SPH et ajoute des particularités inhérentes aux personnes détenues, qui même consentantes à l'hospitalisation et ne troublant pas gravement l'ordre public et la sûreté des personnes, doivent être hospitalisées dans des hôpitaux psychiatriques sous le régime du soin sur décision du représentant de l'Etat (SDRE) en application de l'article D. 398 du code de procédure pénale, alors que si elles étaient en milieu libre, elles seraient hospitalisées en "service libre". Et dans ce cas, il n'y a pas (pour l'instant...) d'inscription dans le fichier Hopsyweb, qui rappelons-le, demeure quatre ans après l'hospitalisation.
La psychiatrie dans son ensemble aborde des problèmes de société, de droit, de vision du soin qui touche à des questions fondamentales de la vie en société. Malheureusement, la complexité de cette discipline la rend peu atractive pour qu'elle fasse l'objet d'une vraie révolte, comme on peut le constater actuellement pour d'autres situations. Pourtant, les problèmes de précarité, d'inégalité devant le soin et d'accès au droit, des "contraintes" au sens large, au savoir et à la connaissance sont communs.
Un vrai problème culturel. Mais la culture ne semble plus au centre des préoccupations, même politiques. Impliqué dans les travaux avec les Pouvoirs publics, je suis assez sidéré de constater que la technocraie administrative dirigente continue à fonctionner comme si les mouvements de contestation actuels n'existaient pas.
Un clivage total, déroutant et inquiétant.
Dr Michel DAVID
Président de l'ASPMP
Danger sur l'exercice médical en prison
Le CNOM a fait état récemment d'un courrier adressé à l’APSEP et à l’ASPMP répondant aux questionnements de ces deux associations de professionnels de santé intervenant en prison relatifs à l’utilisation de dispositifs pénitentiaires, GENESIS et DOT, remettant en cause le secret médical en prison et l’indépendance professionnelle des soignants vis-à-vis de l’administration pénitentiaire.
Les deux associations ont rédigé un rapport détaillé « Mémoire sur l’échange/partage d’information entre personnels de santé et personnels pénitentiaires » répondant à l’argumentation non satisfaisante du CNOM qui signe une rupture épistémologique de l’Ordre des médecins sur le secret médical et l’indépendance professionnelle en totale contradiction avec les principes médicaux énoncés dans le code de la santé publique et le code de déontologie médicale.
L’APSEP et l’ASPMP rappelle à leurs adhérents qu’aucune obligation ni sanction ne peut être exercées sur et contre eux s’ils refusent d’utiliser GENESIS, le DOT ou de participer aux commissions pluridisciplinaires uniques (CPU), dont on remarquera que le CNOM les appellent commissions paritaires UNIQUES, signifiant ainsi soit sa conception de l’alignement du soin sur les dispositifs pénitentiaires, soit sa méconnaissance du sujet.
L’APSEP et l’ASPMP actent que le CNOM priorise les dispositifs pénitentiaires sur les dispositifs de santé.
Vous pouvez consulter dessous le mémoire rédigé par l'ASPMP et l'APSEP.
Dr Michel DAVID
Président de l'ASPMP
L'année 2019 verra probablement associer l'activisme associatif aux interrogations sociétales. L'ASPMP est lasse de participer à des groupes de travail avec les pouvoirs publics en constatant un rendement particulièrement "médiocre", malgré souvent les efforts de nos interlocuteurs administratifs. Mais il faut composer avec la complexité de nos organisations qui n'est d'ailleurs pas toujours perçue par celles et ceux qui pensent qu'en les détruisant, toutes les difficultés et les injustices s'évanouiront. C'est justement de cette complexité qu'il s'agira dans le texte qui va suivre et qui inaugure cette nouvelle année. Il s'inscrit dans la continuité de mon éditorial de mai 2018 que vous pourrez retrouver dans la rubrique "Archives éditoriaux" et qui pose la question provocatrice : les obligations de soins sont-elles légales ?
Un groupe de travail piloté par la Direction des affaires criminelles et des grâces (DAFCG) du ministère de la Justice doit commencer en janvier 2019 des travaux, dans le cadre de la Stratégie santé des personnes placées sous main de justice, afin de renforcer les soins en adéquation avec les obligations relatives à l’infraction commise (Tableau 1).
Le présent document pose un certain nombre de questions préalablement au début des travaux qui devraient associer l’ensemble des personnes concernées, et notamment engagées dans les soins, afin d’éviter des « recommandations » ayant le risque de ne rester que des intentions. C’est dans cette optique que ce document sera largement diffusé. Outre les aspects pratiques que pose ce sujet, de nombreuses questions méthodologiques et éthiques ne sont pas à éluder et devraient même être abordées préalablement aux actions à envisager.
1. Quelle sera la composition précise du groupe de travail ?
En effet ce sujet est très vaste. Il concerne le milieu fermé, mais encore plus le milieu ouvert, avec les nombreuses obligations de soins (OS) et injonctions de soins (IS) qui, rappelons-le, ne sont obligatoires qu’en milieu ouvert. Pour le milieu fermé, il ne s’agit que de « pressions » exercées sur les personnes condamnées (et même parfois sur les personnes prévenues) avec le marché : réductions de peine contre soins. Le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie (CCNE) et de la santé dans son avis no 94 (Tableau 2) relatif à la santé et la médecine en prison ose le terme de « chantage » que j’ai voulu éviter dans ce texte, bien que j’y recoure à d’autres occasions et dont on constate à la lecture du passage de cet avis que si bénéfice il y a à se faire « traiter », c’est de libération dont il s’agit, mais quid de l’effet de ces traitements ?
Étant donné l’importance du sujet, des répercussions des soins pénalement ordonnés (SPO) sur l’organisation des centres médico-psychologiques (CMP) et des acteurs concernés, il me parait incontournable d’y associer les représentations des organisations professionnelles de psychiatres et notamment tous les syndicats de psychiatres, de psychologues et la Fédération Française de Psychiatrie (FFP). On pourrait même envisager une représentation des personnels infirmiers qui sont souvent mis en première ligne pour assurer ces suivis en CMP. Cette remarque est en phase avec le point 2 du tableau 1.
2. Quelle méthodologie à l’élaboration d’éventuelles « recommandations » ?
Il est probable qu’un sujet aussi vaste ne pourra pas faire l’objet d’une réflexion aboutie dans le cadre restreint de ce groupe de travail. C’est la raison pour laquelle, au cours d’un point courant 2018 entre la FFP et la HAS sur les thèmes de travail à envisager dans les années à venir, j’avais suggéré que les SPO fassent l’objet d’une étude approfondie. Cette suggestion n’a pas été retenue, alors que les SPO sont l’objet d’une préoccupation constante des CMP. Toutefois, le recours à la HAS n’était qu’une des possibilités de réflexion. Je regrette que le temps de sollicitation des sociétés savantes, scientifiques soit en passe de disparaître au profit d’institutions ou d’administrations non spécialisées dans les domaines qu’elles prétendent régir, aux résultats plus « normatifs » que scientifiques, voire pris sous un angle presque exclusivement sécuritaire au détriment des objectifs thérapeutiques et parfois sans niveau de preuve scientifique probant (Grade minimum des recommandations HAS : accord d’experts). Le risque est grand de voir un décalage apparaître entre les professionnels de terrain et les pouvoirs publics, à l’instar de ce qu’on constate dans les mouvements sociaux actuels.
3. Que penser de la « capitalisation » des établissements spécialisés ?
Le point 3 du tableau 1 est lui aussi d’une grande complexité et rencontre des avis très différents selon les professionnels avec des arguments tous pertinents. Son intérêt est essentiellement d’en évaluer les bénéfices et les risques, mais selon ce que je constate de mon engagement dans ces réflexions avec le ministère, je crains que les moyens et les méthodes ne soient pas au rendez-vous pour mener une étude pertinente, objective et approfondie.
4. Quels moyens pour quelles actions ?
Le point précédent me permet une transition sur la question des moyens. Nul n’ignore la crise que traverse la psychiatrie.
- La psychiatrie soignante d’abord, qui éprouvant des difficultés à répondre aux patients demandeurs de soins, s’irrite quelque peu de devoir répondre à des demandes floues.
- La psychiatrie expertale chroniquement soumise à une maltraitance d’État en échouant à voir les ministères de la Santé et de la Justice à s’entendre pour en clarifier le statut, probablement avec l’action souterraine de Bercy, voire de la complexité de la règlementation européenne. Dans ce contexte, il n’y a pas lieu de s’étonner que le nombre d’experts psychiatres inscrits sur les listes des cours d’appel soit passé d’environ 800 en 2002 à 537 en 2011 et 338 en 2018. C’est aussi la raison pour laquelle j’avais demandé que la question de l’expertise psychiatrique soit mise à l’ordre du jour dans des questions diverses lors du comité de pilotage de la psychiatrie du mercredi 12 décembre 2018 au ministère de la Santé, afin d’alerter sur l’intolérable désintérêt porté à une mission incontournable dans un État de droit.
- Les médecins coordonnateurs ne sont pas mieux lotis. Leur manque dans certaines juridictions conduit les magistrats à opter pour l’obligation de soins au détriment de l’injonction de soins (ce qui évite également de recourir à un avis expertal, dont la remise tardive du rapport hors délais du fait de la surcharge des courageux experts survivants peut ralentir la procédure judiciaire). Ce ne sont pas les mesures prévues à l’article 9 de la loi no 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines pour encourager les internes à s’engager dans les missions d’expertise et de médecins coordonnateurs qui ont suscité des vocations. Elles sont bien dérisoires en regard de la pénibilité et de la complexité règlementaire, fiscale, et administrative, etc. auxquelles cet exercice professionnel, passionnant pourtant, est continuellement confronté depuis des années, comme on vient de le voir encore récemment lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale.
5. Pour quelles raisons le pilotage du groupe ne relève-t-il que du ministère de la Justice ?
Le précédent paragraphe me permet encore une transition. Pour quelles raisons, le groupe de travail doit-il n’être piloté que par la direction des affaires criminelles et des grâces et se tenir ainsi place Vendôme ? Il s’agit avant tout de soin. Prioriser l’infraction sur le soin est lourd de conséquences et de sens et indique bien l’ambiance prioritairement pénale/sécuritaire plus que thérapeutique qui pèse sur la personne condamnée et sur la psychiatrie, comme on peut en voir un autre exemple avec la question de la radicalisation islamique. Positionner le groupe de travail place Vendôme peut toutefois présenter l’intérêt d’insister avec détermination sur la question de l’expertise moribonde, mais un copilotage santé/justice semble inévitable, d’autant plus que la stratégie santé est interministérielle santé/justice.
6. Les soins pénalement ordonnés : un dilemme éthique
Le point 4 du tableau 1 évoque les aspects éthiques des suivis en détention des soins en lien avec une condamnation. Il ne faudrait pas que cette question ne soit positionnée que comme un « alibi ». Dès le point 1 j’évoquais le CCNE qui dans l’avis cité relevait « Deux problèmes éthiques d’une grande complexité : la grève de la faim et l’injonction de soins ». D’ailleurs, l’avis no 94 du CCNE pourrait servir à lui seul de base de réflexion pour avoir une lecture prospective pour une évolution des soins aux personnes détenues (Tableau 2). Pour ne prendre qu’un seul exemple de dilemme éthique, la relecture de ce que présentait le Dr Pierre Lamothe, expert, dans sa communication sur le médecin coordonnateur lors de la conférence de consensus sur la « Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d’agression sexuelle » en 2001 reste d’une actualité pertinente tout en étant régulièrement incompris par de nombreux acteurs des champs non seulement judiciaires, mais malheureusement aussi parfois sanitaires (Tableau 3).
7. Consentement et qualité de l’information sur les soins prodigués : une autre épine éthique
Il devrait apparaître évident qu’il est nécessaire de se poser la question du consentement aux soins. La notion de consentement est d’une actualité permanente en psychiatrie, renforcée et encadrée fortement juridiquement depuis la loi no 2011-803 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge et la loi complémentaire n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge. Mais l’actualité en psychiatrie est doublée de celle des débats sociétaux, notamment sur le consentement en matière sexuelle, retrouvant ainsi une contiguïté thématique entre consentement et sexualité. Qu’en est-il de ce consentement libre et éclairé qui ne devrait pas être parasité par le risque lié à l’incarcération ou la non-remise de peine supplémentaire en cas de refus ?
D’autant plus que pour consentir, il faut non seulement un discernement ni altéré ni aboli, mais il faut aussi pouvoir le faire avec toute la rigueur que la loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (loi Kouchner) a imposée de manière opportune (Tableau 4). Quelle réponse donnée dans le cadre des SPO à l’exigence de prodiguer une information complète sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Si ce n’est que l’incarcération est le principal effet indésirable si les soins ne sont pas suivis, mais il ne s’agit pas d’un effet indésirable médical. Il sera aussi aisé d’évoquer les effets indésirables dus à certains traitements inhibiteurs de la libido, dont les récents méningiomes décrits, mais il sera toujours assez difficile d’être précis sur les bénéfices attendus et la durée du traitement, notamment psychothérapeutique (le plus fréquent) si ce n’est encore la durée prévue par la Justice tout en espérant que la proposition 22 de l’Audition publique sur les auteurs de violences sexuelles : prévention, évaluation, prise en charge et qui consiste à dissocier la durée du Suivi Socio-judiciaire (SSJ) de celle de l’injonction de soins puisse être suivie.
8. Un indispensable travail de synthèse préalable aux travaux du groupe
Il ressort de ces remarques qu’un groupe de travail sur la relation entre soins et prison ne peut faire l’économie d’un travail de synthèse préalable qui prendrait en compte notamment, mais sans exhaustivité, les textes suivants :
- Loi no 98-468 du 17 juin 1998 et les débats parlementaires qui ont accompagné sa préparation, ainsi que le projet de loi Toubon qui l’a précédé ;
- Conférence de consensus sur la « psychopathologie et traitements actuels des auteurs d’agression sexuelle » de 2001 ;
- Loi no 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé (essentielle concernant information et consentement) ;
- Avis no 94 du CCNE sur « La santé et la médecine en prison », novembre 2006 ;
- Loi no 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l’exécution des peines ;
- Rapport sur l’évaluation du dispositif de l’injonction de soins. IGAS et IGSJ, février 2011 ;
- Loi no 2016-41 du 26 janvier 2016de modernisation de notre système de santé ;
- Audition publique sur les « auteurs de violences sexuelles : prévention, évaluation, prise en charge ». Fédération française des CRIAVS, juin 2018 et ses recommandations ;
- Et de nombreux autres rapports (Inspections, parlementaires, textes règlementaires), décrets, circulaires, dont les derniers textes relatifs à l’expertise et ses « péripéties » dont l’avis du Conseil d’État, etc.
En conclusion, l’étude d’un sujet aussi important nécessite une organisation conséquente en impliquant essentiellement les acteurs devant mener les soins, tout en associant les magistrats et les services pénitentiaires d’insertion et de probation afin qu’ils perçoivent le périmètre possible d’intervention des soignants.
J’insiste sur le fait qu’en prenant en considération la crise expertale et que de nombreux soins sont pénalement ordonnés sans expertise préalable, le diagnostic et l’évaluation sont en majorité menés par les professionnels du soin qui engageront ou non les soins en fonction de leur bilan clinique, comme pour toute autre situation clinique. Ne pas les associer aux réflexions conduira à poursuivre le fonctionnement chaotique que l’on connait avec l’obligation de soins depuis sa création avec le code de procédure pénale en 1958 et avec le fonctionnement aléatoire de l’injonction de soins depuis 1998 du fait de moyens restreints.
5. Renforcer les soins en adéquation avec les obligations relatives à l’infraction commise
1. Évaluer la mise en œuvre du protocole de 2011 concernant les établissements spécialisés AICS et s’assurer que les moyens d’intervention dédiés sont bien dévolus aux USMP.
2. Mettre en place un groupe de travail interministériel Santé-Justice dans l’objectif d’améliorer l’articulation entre les professionnels de santé (professionnels des USMP, médecins coordonnateurs, CMP, centres hospitaliers, centres de soins) et de justice (pénitentiaires, PJJ et magistrats) dans la mise en œuvre de l’incitation aux soins en détention et l’obligation de soins en milieu ouvert.
3. Capitaliser sur l’expérience des établissements spécialisés dans ce type de prise en charge.
4. Lancer des appels à projets pour promouvoir la recherche sur les aspects médico-psychologiques et éthiques des suivis en détention des soins en lien avec une condamnation.
Tableau 1. Axe 4. Stratégie santé des personnes sous main de justice (PPSMJ). Page 22.
Le chantage au traitement dans le but d’éviter une récidive apparaît inacceptable sur le plan éthique dans la mesure notamment où il enfreint le principe de consentement libre et informé, c’est-à-dire la possibilité d’accepter ou de refuser en dehors de toute sanction. Et pourtant, dans le même temps, malgré l’importance de ce principe éthique, on ne peut pas s’empêcher de se poser la question du bénéfice offert à la personne, par exemple auteur d’infraction à caractère sexuel, qui, acceptant de se traiter, sera libérée de prison.
Tableau 2. Avis no 94 du CCNE : La santé et la médecine en prison.
Les psychiatres peuvent-ils ainsi être entendus directement aux audiences des applications des peines ou peuvent-ils même donner des certificats de situation détaillée ? Il y a un double écueil entre l’injustice qu’il y aurait à priver quelqu’un de la possible exploitation du bénéfice d’un traitement bien conduit et d’un retour sur lui-même ayant amené une évolution positive (alors qu’on certifierait sans état d’âme dans n’importe quel autre domaine somatique les résultats de la thérapeutique et le pronostic pour laisser le malade en disposer), et le risque évident de si le médecin accepte pour certains de donner un certificat, l’absence de certificat pour d’autres soit interprétée comme l’évidence d’une évolution ou d’un pronostic péjoratif.
Tableau 3. Conférence de consensus AVS 2001. Texte de Pierre Lamothe.
Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu’elle relève de soins palliatifs au sens de l’article L.1110-10 les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l’une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.
La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.
Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l’information prévue par le présent article, sous réserve des articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée soit à leur degré de maturité s’agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s’agissant des majeurs sous tutelle.
Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.
L’établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la continuité des soins après sa sortie.
Tableau 4. Article L. 1111-2 du code de la santé publique
Ci-dessous, le texte en format pdf.
Les 26e journées des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire se sont tenues à Rennes les 5 et 6 novembre dernier.
A l’honneur, la thématique de la « Rencontre à l’Autre » pensée depuis l’esprit du Secteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire, de ses niveaux de soin ambulatoire et intra hospitalier.
Un sacré pari pour une psychiatrie qui porte la marque du secteur, mais qui s’est construite en contre des secteurs de psychiatrie du milieu libre, et qui se trouve aujourd’hui poussée vers « l’autre virage ».
« Tout n’est pas si facile, tout ne tient qu’à un fil ».
L’équipe de Rennes a voulu miser sur ce fil. Le fil d’un travail collectif, d’une aventure humaine au cours de laquelle chacun y a engagé de son temps, de sa réflexion, de son attention pour l’ensemble. Une place pour le pluralisme professionnel, pour les divergences tant qu’elles pouvaient se soutenir de possibilités d’échanges. Une place pour l’art, l’extériorité, souvent si précieuses au soin.
Quelques petits accros dans les mailles, le jour J : la prise de parole « sans image » de Roland GORI n’aura pas résisté aux peluches de la technique... ironie du sort… qui aura eu le mérite de créer du manque d’où se sont tricotés des échanges.
Les nombreux messages reçus depuis nous ont fait penser que la dialectique complexe du système dans lequel nous exerçons a été mise au travail.
Ce qui tombe plutôt bien, car sur le terrain le ton s’est durci assez vite. Installation forcée de « trappes passes menottes » sur les portes de bureaux de soin dans certains DSP, passage en force du globalisant outil de communication pénitentiaire Genesis, injonction de l’engagement du soin sur le Dossier d’Orientation des Transferts (DOT) pénitentiaires, pression vers une psychiatrie illusoirement (voire ridiculement à prétention) « déradicalisante ».
« La mémoire et l’éthique, les valeurs essentielles »
Le travail associatif promet d’être intense en cette fin d’année 2018. Un entretien avec la section éthique du Conseil national de l’ordre des médecins, une réunion de travail sur le partage d’information santé justice, une participation au Comité de pilotage de la stratégie des soins aux personnes placées sous main de justice. L’ASPMP a besoin des esprits du plus grand nombre pour réfléchir ! N’hésitez pas à nous rejoindre !
Pour finir sur une note optimiste, félicitations à Anne Lécu qui a obtenu le prix prescrire 2018 pour son ouvrage intitulé : « Le secret médical, vie et mort » Les éditions du Cerf.
Dr Marc FEDELE
Vice-président de l'ASPMP
Les 26èmes Journées des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire prévues début novembre sont bien proches.
Quoi de mieux pour les annoncer que de vous donner l'occasion de lire une communication faite par le Dr David Deneufgermain lors des 23èmes Journées à Lille en 2013, intitulée "La psychiatrie au détenu, écrouée elle aussi ?".
Elle interroge l'ensemble de nos pratiques psychiatriques engluées dans la complexité et les angoisses sécuritaires de notre société.
Je n'en dis pas plus, laissant chacun réagir à cette communication sensible, qui ne laisse pas indifférent, suscitant des réactions oscillant entre adhésion ou rejet.
Pour ma part, je ne peux m'empêcher de vous dire que j'ai apprécié de la relire 5 ans après.
Les soins pénalement ordonnés sont-ils légaux ?
(suite)
Obligation de soin en pratique
Dans les suites du deuxième éditorial de février où je posais la question de la légalité de l’obligation de soin (OS) et de l’injonction de soin (IS) en considération du laconisme de l’information donnée et du consentement « forcé », examinons maintenant pour quelles raisons le déroulement de l’obligation de soin est si chaotique.
Rappelons que l’OS est la conséquence d’une décision de justice souvent prise sans avis médical, mais en fonction des caractéristiques de l’infraction : consommation de toxiques, violences physiques, mais aussi sexuelles, notamment pour ces dernières infractions, dans les cas de pénurie de médecins coordonnateurs, les juges vont opter pour une OS plutôt qu’une IS. L’OS accompagne le plus souvent une condamnation avec sursis et mise à l’épreuve (SME) ou peut être ordonnée, moins fréquemment, avant condamnation dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Le contrôle du respect des mesures qui s’impose à la personne condamnée est assuré par un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) rattaché au service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) qui en rend compte au juge d’application des peines (JAP). Pour une personne en attente de jugement, en contrôle judiciaire (CJ), la surveillance de la mesure peut être assurée par un organisme agréé en matière de contrôle judiciaire qui informera l’autorité judiciaire qui a prononcé la mesure (comme un juge d’instruction par exemple) de son déroulement.
Le justiciable se présentera au centre médico-psychologique assez rapidement après la condamnation en énonçant le plus souvent qu’il vient à la demande du juge, sans se plaindre d’un quelconque trouble, banalisant ou cachant les motifs de sa condamnation sans pour autant présenter de documents. On peut s’étonner de l’absence de « documents-preuves », mais il y a fréquemment un important délai entre le temps de la condamnation et la mise à disposition du jugement, même si le rendez-vous n’a pu être donné dans des délais raisonnables.
Que se passe-t-il alors ?
Les soignants confrontés à des personnes non demandeuses et dont la pathologie n’est pas évidente, réagissent souvent avec irritation. Lors d’une réunion de travail récente sur mon hôpital entre soignants, juge d’application des peines et service pénitentiaire d’insertion et de probation afin d’améliorer le dispositif des soins pénalement ordonnés (SPO) et mieux connaitre nos façons de travailler réciproque, les psychiatres ont pu expliquer le décalage existant entre la clinique habituelle des personnes consultant en CMP hors obligations judiciaires et celle des personnes en OS. Il s’agit d’une des principales raisons du piètre « rendement » de ce dispositif. Quand les CMP ont de très nombreuses sollicitations pour recevoir des personnes demandeuses de soin pour troubles dépressifs, anxieux ou psychotiques, ils ne peuvent être que réticents pour recevoir des personnes peu motivées, non atteintes de troubles mentaux avérés, mais souffrant le plus souvent de troubles de la personnalité dont le traitement n’est pas simple et peu consensuel. Si les JAP, les CPIP, voire aussi le personnel pénitentiaire passaient quelque temps dans un service de psychiatrie recevant des personnes souffrant de troubles psychiatriques aigus ou chroniques, ils relativiseraient probablement leur manière d’appréhender la maladie mentale.
Ce dernier point est une deuxième raison des freins à la bonne tenue d’une OS. Les psychiatres, psychologues ou infirmiers ne sont le plus souvent pas à l’aise avec ces décisions de justice. Il faut un intérêt particulier porté à ces situations « psycho-légales » pour que des organisations de soin en permettent une réalisation effective. Ces prises en charge requièrent du temps et relèvent essentiellement de démarches psychothérapeutiques, nécessitant un travail préalable de préparation à cette modalité soignante à laquelle les personnes concernées ne sont pas coutumières[1].
Alors que faire ?
La demande récurrente première des soignants est d’avoir à disposition les « documents-preuves » : jugement, expertises. Cette transmission est normalement prévue par la loi depuis 2012, mais n’est pas encore systématique. Elle pose des questions pratiques comme les modalités de transmission, le respect de la confidentialité de documents sensibles[2], la forme, le contenu et le rythme de délivrance des attestations de rendez-vous, le libellé d’une fin de prise en charge, etc. L’approche de ces questions ne peut se faire qu’en favorisant des réunions de travail entre Santé et Justice, domaines qui se méconnaissent souvent et qui permettront de trouver des solutions en fonction des organisations locales.
Les initiatives locales doivent trouver un soutien institutionnel. Qu’en est-il des SPO, de l’expertise psychiatrique, des réponses aux réquisitions, voire des soins en milieu pénitentiaire dans le projet médical de l’hôpital ? Ces questions sont-elles à l’ordre du jour des commissions médicales d’établissement (CME)[3] ? Quel intérêt l’ARS porte-t-elle à ces questions ? Fait-elle, en collaboration avec la Justice, un travail de recensement des mesures de SPO par TGI afin d’évaluer le retentissement de ces mesures sur la charge de travail des équipes ?
Enfin, quel intérêt national est-il porté à ces questions ? Ce sont le plus souvent des initiatives individuelles qui traitent de ces sujets, et non un pilotage national. Fin d’année 2017, je participais à une réunion entre la Haute Autorité de santé (HAS) et la Fédération Française de Psychiatrie (FFP) relative aux prochains sujets que pourrait traiter la HAS. Bien que n’étant pas un supporter zélé de la HAS, je suggérais que les SPO fassent l’objet de son attention. Manifestement, ma suggestion n’a pas rencontré une écoute intéressée. Les SPO restent une préoccupation inconfortable des professionnels de terrain, qu’ils émanent des secteurs sanitaires ou judiciaires, mais qui ne remontent pas au-delà de la sphère locale.
Est-ce le signe d’un désintérêt des pouvoirs publics pour que ces décisions de justice soient correctement appliquées ? Quel intérêt porté à ces questions dans les chantiers actuels de la Justice ? Sans oublier le délabrement de l’expertise psychiatrique ?
Même conclusion que celle de l’éditorial de février : : l’audition publique sur les auteurs de violence sexuelle abordera-t-elle concrètement ces questions sans se contenter de discours d’apparence et d’affichage qui ne satisferont que les « happy few » concernés et mobilisés ? Ne fera-t-elle que de belles recommandations, mais sans se préoccuper de leur opérationnalité fonctionnelle, sans avoir l’exigence d’un « rendement » satisfaisant, alliant efficacité thérapeutique au meilleur coût. Enfin, il faut lui souhaiter de ne pas faire ce qui est souvent reproché à l’exécutif, au législatif ou à l’administratif : décréter lois, normes ou recommandations inapplicables et les récentes déclarations à l’emporte-pièce de dirigeants politiques sur la mal nommée « castration chimique » ne sont guère rassurantes quant à la possibilité d’avoir des débats raisonnés et argumentés.
9 Mai 2018
[1] D’autant plus que tout soin de type psychothérapeutique ne fait pas encore partie des représentations usuelles d’un acte de soin dans la population générale.
[2] Les documents sont souvent transmis sur un fax qui peut se trouver dans un espace peu sécurisée et à l’usage de tous les professionnels. La transmission par internet suppose une messagerie sécurisée, ce qui est loin d’être le cas.
[3] On connait malheureusement le désintérêt grandissant des médecins pour les CME, notamment depuis la loi HPST de 2009 et la création des pôles et il y a peu d’espoir de voir les GHT recréer une dynamique collective médicale.
Les soins pénalement ordonnés sont-ils légaux ?
L’obligation et l’injonction de soins sont-elles « légales » actuellement ?
Le deuxième éditorial de ce mois de février s’inscrit dans les réflexions préalables à l’audition publique sur les « Auteurs de violences sexuelles. Prévention, évaluation et prise en charge »[1] qui doit se tenir à Paris les 14 et 15 juin prochain.
L’obligation de soins (OS) a 60 ans (1958), l’injonction de soins (IS) a juste 40 ans de moins. Ces deux mesures auraient-elles pu être adoptées après 2002 ? Et sont-elles encore compatibles en fonction de l’évolution du droit et de deux principes essentiels :
ü Les attributs du consentement ;
ü La qualité de l’information donnée sur les soins.
Formuler la question de la légalité de l’obligation et de l’injonction de soins est provocateur. Évidemment, inscrites dans la loi, elles sont légales, mais sont-elles conformes au droit contemporain notamment en ce qui concerne la qualité de l’information et la nature du consentement ?
Rappel du contexte.
Obligation de soins et injonction de soins, mais aussi l’injonction thérapeutique, sont regroupées, sous le terme générique de « soins pénalement ordonnés » (SPO).
L’obligation de soins est apparue dans le code de procédure pénale en 1958. Elle accompagne le plus souvent un sursis avec mise à l’épreuve ou un contrôle judiciaire avant jugement. Elle est ordonnée par les magistrats en général sans expertise médicale préalable pour les cas suivants : Violence, infractions diverses avec consommation d’alcool ou de toxiques. Le condamné doit suivre des soins sous des formes diverses de manière ambulatoire ou en hospitalisation pendant toute la durée du sursis. La « prescription » du juge est très générale et il appartient au médecin de poser l’indication du soin comme pour tout acte médical et la façon de le mener. Le juge, en général le juge d’application des peines, n’a pas à s’immiscer dans les soins, bien que certains demandent au justiciable de leur fournir régulièrement les résultats d’examens biologiques (notamment en cas de toxicomanie) qu’ils interprètent (avec quelle compétence ?). Le médecin peut aussi ne pas retenir d’indication, contrairement d’ailleurs à ce que pensent certains médecins : l’obligation pèse sur la personne condamnée, mais non sur le médecin qui est indépendant par rapport à l’autorité judiciaire et qui doit poser l’indication de soins uniquement en fonction des données acquises de la science. Pour forcer le trait, imaginons qu’un juge oblige une personne condamnée à se faire couper la jambe par un chirurgien, celui-ci s’exécutera-t-il sans indication d’amputation ? Évidemment non, mais quand il s’agit de la psychiatrie, tout le monde se sent en capacité de prescrire[2]…. Si le justiciable refuse les soins proposés par le médecin, le juge peut ordonner la révocation de son sursis et l’incarcérer.
L’injonction de soins est apparue comme une des possibilités du suivi sociojudiciaire créé par la loi du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions à caractère sexuel ainsi qu’à la protection des mineurs. L’IS est soit une peine principale, soit une peine complémentaire, ce qu’elle est le plus souvent. Après un temps d’incarcération, la personne condamnée doit suivre un soin pendant une durée déterminée qui peut être très longue (30 ans voire la perpétuité). Comme pour l’OS, si la personne condamnée ne suit pas les soins proposés par le médecin, l’incarcération est possible (la durée de l’IS et celle de l’incarcération en cas de non suivi sont prévues dans le jugement). La différence avec l’OS consiste à ne la prononcer qu’après qu’une expertise médicale en ait posé l’indication. Le dispositif permet également une meilleure articulation Santé/Justice avec la présence d’un médecin coordonnateur qui fait le lien entre la personne condamnée, le ou les thérapeutes et la Justice.
L’articulation de l’OS et de l’IS avec la loi Kouchner du 4 mars 2002.
La loi Kouchner est connue pour avoir permis au patient d’être décideur du soin avec le médecin après avoir reçu de sa part une information complète, loyale et appropriée qui lui permet de consentir librement, c’est-à-dire sans pression ou contrainte, aux soins proposés.
Dans l’OS et l’IS, la question de la qualité de l’information et du consentement libre et éclairé vont se poser de manière évidente, mais la plus souvent totalement occultée (c’est bien pratique...).
De l’information
Donner une information sur un soin, un acte médical d’investigation, diagnostic ou paramédical nécessite d’en préciser l’indication, les modalités, la durée, les éventuels effets indésirables ou les risques potentiels, ou aussi les indications. L’article L1111-2 du code de la santé publique donne le contour de cette information (cf. Tableau).
Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. Elle est également informée de la possibilité de recevoir, lorsque son état de santé le permet, notamment lorsqu’elle relève de soins palliatifs au sens de l’article L. 1110-10, les soins sous forme ambulatoire ou à domicile. Il est tenu compte de la volonté de la personne de bénéficier de l’une de ces formes de prise en charge. Lorsque, postérieurement à l’exécution des investigations, traitements ou actions de prévention, des risques nouveaux sont identifiés, la personne concernée doit en être informée, sauf en cas d’impossibilité de la retrouver.
Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l’urgence ou l’impossibilité d’informer peuvent l’en dispenser.
Cette information est délivrée au cours d’un entretien individuel.
La volonté d’une personne d’être tenue dans l’ignorance d’un diagnostic ou d’un pronostic doit être respectée, sauf lorsque des tiers sont exposés à un risque de transmission.
Les droits des mineurs ou des majeurs sous tutelle mentionnés au présent article sont exercés, selon les cas, par les titulaires de l’autorité parentale ou par le tuteur. Ceux-ci reçoivent l’information prévue par le présent article, sous réserve des articles L. 1111-5 et L. 1111-5-1. Les intéressés ont le droit de recevoir eux-mêmes une information et de participer à la prise de décision les concernant, d’une manière adaptée soit à leur degré de maturité s’agissant des mineurs, soit à leurs facultés de discernement s’agissant des majeurs sous tutelle.
Des recommandations de bonnes pratiques sur la délivrance de l’information sont établies par la Haute Autorité de santé et homologuées par arrêté du ministre chargé de la santé.
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établissement de santé d’apporter la preuve que l’information a été délivrée à l’intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen.
L’établissement de santé recueille auprès du patient hospitalisé les coordonnées des professionnels de santé auprès desquels il souhaite que soient recueillies les informations nécessaires à sa prise en charge durant son séjour et que soient transmises celles utiles à la continuité des soins après sa sortie.
Article L1111-2 du code de la santé publique
Il n’est guère utile de préciser que le détail de ces informations sur l’injonction ou l’obligation de soins va être difficile à énoncer précisément d’autant plus que le diagnostic va souvent tourner autour de troubles de la personnalité « mosaïques » pour lesquels il n’existe pas de consensus sur les modalités de traitement. La durée des soins est aussi bien impossible à prévoir, à moins de croire que 10 séances d’une psychothérapie « bien codifiée » amèneront la résolution du problème, surtout qu’il faut préciser que le code de procédure pénale, « traité de médecine parallèle » parle de « thérapies pour limiter les risques de récidive » dont on peut chercher en vain la trace dans les traités de médecine. Bien souvent la durée du traitement se confondra avec la durée de la peine ou du sursis précisée dans le jugement, c’est-à-dire possiblement sans limites... Il s’agit donc d’une « prescription » judiciaire et non médicale.
Du consentement
Deux remarques simples :
- Il est impossible de donner son consentement si l’information est incomplète ;
- Le consentement ne peut considérer comme étant, car même si la personne a la liberté de refuser les soins, sa liberté d’aller et venir sera interrompue par une incarcération.
En d’autres termes, il s’agit d’un « chantage ». Tout le monde le sait, mais on feint de l’ignorer pour « raison d’État ».
Et pourtant la notion de consentement est bien au-devant de la scène actuellement, et justement en matière de conduites sexuelles. Alors qu’il est admis qu’aucun commerce sexuel entre personnes majeures ne peut se concevoir sans un consentement libre et éclairé réciproque (en admettant qu’une rationalité parfaite existe dans les échanges amoureux ou sexuels), il semble admis que la même exigence ne soit pas requise pour ceux qui ont transgressé, justement sur le plan des conduites sexuelles. Étrange manière de faire passer un message sur le consentement… Mais il est vrai qu’il s’agit de personnes délinquantes, dont seules les bonnes âmes voudraient que leur soient appliquées les règles du bien vivre, alors que les victimes n’ont pas bénéficié de la même attention.
Et le consentement est aussi de mise dans un autre domaine de la psychiatrie : les soins sans consentement, aussi très codifiés juridiquement. Il convient, et à juste titre, que le psychiatre argumente les capacités à consentir ou non des patients et ce n’est pas simple. Il est exigé beaucoup du psychiatre et les avocats veillent.
Alors pourquoi autant de légèreté pour l’OS et l’IS ? Dans ces cas, les personnes condamnées ne bénéficient pas d’une aide systématique des avocats, contrairement aux soins sans consentement et peu de personnes semblent intéressés à faire respecter le droit pour des personnes ayant commis des infractions, dont on peut penser qu’elles ne le méritent pas…
L’audition publique sur les auteurs de violence sexuelle de juin 2018 saura-t-elle aborder de front ces questions ou s’arrangera-t-elle pour les escamoter habilement, dans un habillage politiquement correct afin de permettre que les psychiatres continuent à jouer, à leur corps défendant bien souvent, une fonction bien plus sécuritaire que thérapeutique ?
Dr Michel DAVID
Président de l'ASPMP
[2] Sauf le médecin qui ne prescrit plus, lui : il « décide », notamment en matière d’isolement et de contention (article 72 de la loi du 27 janvier 2016), O tempora, o mores.
De la continuité des soins
Pendant le mouvement des surveillants pénitentiaires, l'accès aux soins psychiatriques a été fortement entravée.
L'ASPMP y a réagi avec le communiqué ci-dessous.
LA CONTINUITÉ DES SOINS PSYCHIATRIQUES EN PRISON EST UNE OBLIGATION
Communiqué du 2 février 2018
Le mouvement des surveillants pénitentiaires a affecté, parfois gravement, la continuité des soins psychiatriques pendant les deux dernières semaines de janvier.
Si l’on peut entendre le mécontentement grave des personnels pénitentiaires étant donné le contexte des prisons, notamment du fait de la surpopulation et de ses conséquences, il convient de réfléchir à ne pas entraver la continuité des soins pendant les mouvements de protestation.
De nombreuses équipes de psychiatrie n’ont pu entrer dans les prisons ou en nombre limité, et quand elles ont pu accéder à l’unité de soins, la mise à disposition des personnes détenues a été nulle ou très limitée.
Dans certains endroits, les personnels soignants ont fait l’objet de huées ou d’insultes par les personnels bloquant les portes avec qui ils travaillent pourtant régulièrement, péjorant ainsi la reprise de relations saines une fois le mouvement arrêté.
Enfin certains personnels soignants ont vu leur sécurité mise en danger dans certains établissements pénitentiaires du fait du contexte tendu intra carcéral. Ces constats montrent l’importance de la violence que génèrent les prisons, d’autant plus que leur situation est globalement critique.
L’ASPMP en appelle aux pouvoirs publics pour que soient dorénavant envisagés des fonctionnements minimums et en toute sécurité des services de soins pendant les situations de conflits et avant qu’elles ne se reproduisent. Il faut impérativement éviter des risques sanitaires pour les personnes détenues par défaut de traitements et prévenir tout autre dysfonctionnement à l’origine de violences préjudiciables aussi bien pour tous les professionnels qui interviennent en prison que pour les personnes détenues.
Dr Michel DAVID
Président de l'ASPMP
Audition de l'ASPMP par les députés le 22 février 2018
L'ASPMP (M. David et M. Fédèle), avec les collègues de l'APSEP (D. Mauillon, P. Serre et E. Chaigne), a été auditionnée jeudi 22 février par le député Stéphane Mazars qui est le rapporteur d'un des 4 groupes de travail sur la prison en cours à l'Assemblée nationale. Nous étions interrogés évidement sur la prise en charge des personnes détenues souffrant de troubles psychiatriques.
Vous trouverez ci-dessous le texte de la contribution remise aux députés.
De la radicalisation
(deuxième partie)
Pour cette deuxième partie sur la radicalisation, il faut exprimer en termes simples ce que peut et ne peut pas faire la psychiatrie. Il semble que notre travail est souvent méconnu d’où l’incompréhension de l’opinion publique et des Politiques quand nous manifestons une réticence, comprise comme un désengagement citoyen dans une question qui devrait réunir et non diviser (ce que veulent les terroristes). Il convient justement de ne pas donner prise à ce désir pervers d’éclatement.
Une première étape : poser un diagnostic de maladie mentale
La psychiatrie en tant que discipline médicale a pour fonction de s’occuper des maladies, et plus spécifiquement des maladies mentales. Elle peut le faire comme n’importe quelle autre discipline médicale, c’est-à-dire sur demande du patient qui, conscient d’un problème de santé, s’adresse à un médecin. Le praticien va l’informer sur sa maladie, sur les traitements à prodiguer et recueillir in fine (explicitement ou implicitement) son consentement aux soins. C’est la situation heureusement la plus fréquente en psychiatrie.
Mais, comme il faut donner son consentement et que celui-ci ne peut être donné que si l’on dispose de toutes ses facultés mentales, la maladie mentale peut se caractériser par une atteinte des facultés mentales et donc une impossibilité à consentir aux soins. C’est pour cette raison, que la psychiatrie se distingue de manière importante du reste de la médecine, et que très tôt, dès le début du XIXe siècle, ont été légalement instaurés des « soins » imposés qui ont pris des appellations différentes depuis 1838 et qui se dénomment actuellement depuis 2011, soins sur demande d’un tiers (SDT) avec une hospitalisation sur décision du directeur de l’hôpital après qu’un médecin ait certifié l’existence d’une maladie mentale nécessitant des soins auxquels la personne ne consent pas et soins sur décision du représentant de l’État, le Préfet (SDRE) toujours après avis médical. Suite à cette hospitalisation, qui représente une privation de liberté, et depuis 2011, un contrôle de cette importante contrainte est assuré par un juge de la liberté et de la détention (JLD) qui appuie sa décision sur la production de plusieurs certificats médicaux détaillés et motivés expliquant que l’hospitalisation est nécessaire, adaptée et proportionnée à l’état psychiatrique de la personne.
Les soins imposés sont donc indiqués après constat d’une maladie mentale qui peut mettre en danger la personne par elle-même (par exemple, un état dépressif avec idées suicidaires ou autrui [maladie mentale pouvant être à l’origine d’une hétéroagression]. Dans tous les cas, la maladie mentale doit être avérée et médicalement constatée et peut présenter un péril imminent pour la personne, c’est-à-dire une probabilité de danger grave et à court terme pour elle-même [un risque suicidaire notamment].
Une deuxième étape : définir les modalités de soin
Après le diagnostic viennent les soins. Comment soigne-t-on en psychiatrie ? Il en existe de nombreuses déclinaisons, mais pour rester simple, seuls deux cas de figure seront exposés.
Comme dans le reste de la médecine, avec des médicaments, mais, même si le patient est hospitalisé sans son consentement, il peut s’opposer aux médicaments prescrits pour différentes raisons, comme le refus d’en subir les effets indésirables [bien réels] ou parce qu’il ne se reconnait pas malade. Et même s’il accepte un traitement, son efficacité n’est pas garantie à 100 %.
La deuxième modalité importante est psychothérapeutique. Il existe différents types de psychothérapies, mais elles se caractérisent toutes par le fait que le patient doit être très actif dans le soin. Alors que souvent dans le reste de la médecine, on attend que les traitements fassent effet, sauf dans les soins de rééducation qui requièrent aussi la participation active de la personne, la psychothérapie nécessite un engagement du patient.
Une question essentielle : le terrorisme est-il une maladie mentale ?
Qu’en est-il de la radicalisation islamiste avec engagement terroriste ? Est-ce une maladie mentale ? Majoritairement les psychiatres répondent par la négative. Certes, parmi les terroristes, il n’est pas exclu de repérer des personnes malades. Si le diagnostic en est posé, les soins psychiatriques pourront être mis en place selon les modalités exposées ; en l’absence de diagnostic pas de soins.
Par ailleurs, comme on l’a vu, les soins les plus fréquents se font de manière libre à la demande d’un patient. Qui est assez naïf pour croire qu’un terroriste va venir s’adresser à un psy pour lui confier ses états d’âme sur ses projets funestes ? D’où la question du signalement par les médecins et de la dérogation au secret professionnel plus théorique que pratique face à des cas de figure rarissimes.
Il reste la demande de l’entourage, notamment pour les adolescents. C’est dans cette situation que des offres de « soins » ont été proposées et peuvent être proposées, sans que pour autant il soit aisé de les mettre en œuvre. L’essentiel est de pouvoir offrir à un entourage inquiet la possibilité de déposer cette inquiétude. La suite se déclinera de manière adaptée à chaque situation sans qu’il soit possible de définir pour l’instant une procédure univoque face à la complexité. C’est pour donner des pistes d’ajustement à cette complexité que le Conseil National de l’Ordre des Médecins a établi des recommandations à l’intention des médecins :
Pour ce qu’il en est des soins dans les prisons, le schéma est le même qu’en milieu libre, d’autant plus que les soins psychiatriques en prison ne peuvent pas être imposés. Ils doivent rester à la demande de l’intéressé, et si pourtant ils s’avèrent nécessaires, ils suivront la même procédure légale qu’en milieu ouvert et ne pourront être menés qu’en milieu hospitalier.
La psychiatrie : un rôle modeste
La place de la psychiatre ne peut donc être que très modeste dans la question de la radicalisation islamique et le terrorisme, même si le sens commun a tendance à penser qu’il faut être fou pour commettre ces actes barbares. D’où le rappel à la fin de l’éditorial du mois d’aôut relatif à la première partie de ce sujet de la citation de Philippe Pinel qui plus de deux cents ans après n’a pas perdu de son actualité.
Et en cas de maladie mentale avérée, où pour être à l’écoute d’un entourage inquiet, la psychiatrie et la pédopsychiatrie seront présentes, tout en respectant la légalité et les règles de bonne pratique médicale. Il faudra toutefois rester vigilants pour que les hôpitaux psychiatriques ne soient pas transformés en pseudo prisons ou en établissements de défense sociale. Les hôpitaux ne peuvent et ne doivent conserver que leur dimension sanitaire, tout en assurant leur mission de participation à la sûreté publique quand la maladie mentale grave la met en jeu.
Il est d’ailleurs intéressant, comme phénomène social, de constater d’un côté le dénigrement de la psychiatrie concernant l’autisme, pourtant toujours considéré dans les classifications scientifiques nosographiques internationales comme un trouble mental, et de l’autre côté, la sollicitation de la psychiatrie pour traiter la radicalisation islamiste qui n’est pas pour l’instant reconnue comme une maladie mentale.
Intéressant, mais pas étonnant. Il est si facile de recourir à la psychiatrie pour priver de liberté les personnes qui dérangent la société, qu’elles aient ou non un trouble mental. En 1971, lors du congrès mondial de psychiatrie de Mexico en 1971, Henri EY, un des grands noms de la psychiatrie du XXe siècle est à l’origine d’une motion restée célèbre :
« L’Association mondiale de psychiatrie dénonce la malfaisance des campagnes de contestations antipsychiatriques d’inspiration politico-idéologique qui font jouer à la psychiatrie un rôle qui n’est pas le sien, celui d’être un instrument de la répression sociale.
L’Association mondiale de psychiatrie, en affirmant que la psychiatrie est et ne peut être qu’une des principales branches de la médecine appliquée à la prophylaxie et au traitement des « maladies » mentales, recommande expressément à toutes les Sociétés qui la composent d’attirer l’attention de chacun de ses membres, celle de l’opinion publique et celle du Gouvernement de leur pays, sur le caractère essentiellement médical et l’usage exclusivement thérapeutique de l’action et des institutions psychiatriques.
L’Association mondiale de psychiatrie condamne toute exploitation politique qui aurait été ou pourrait être faite des concepts, méthodes et institutions propres à l’exercice de la psychiatrie qui est au service des seuls malades mentaux ».
Philippe Pinel et Henri Ey, tous les deux encore très actuels.
Dr Michel DAVID
Président de l'ASPMP
De l'Audition publique relative aux auteurs de violence sexuelle
qui doit se tenir à Paris en juin 2018
Une audition publique intitulée « Auteurs de violences sexuelles : prévention, évaluation, prise en charge » (https://www.ffcriavs.org/media/filer_public/88/95/88951823-d6c0-4344-b319-c4d0b9b0d42e/pre-programme.pdf) doit se tenir le 14 et le 15 juin 2018 à Paris dix-sept ans après la conférence de consensus sur le même thème[1] et vingt ans après la loi Guigou qui a créé le suivi socio-judiciaire (SSJ) et l’injonction de soin[2].
Quels changements depuis cette date ou plutôt que s’est-il passé ?
Sur le plan clinique, pas grand-chose. A-t-on précisé la variabilité des expressions cliniques présentées par les AVS ? Si l’on suivait le mauvais exemple de l’expression malencontreuse fantomatique utilisée pour les personnes souffrant d’autisme — les troubles du spectre autistique — on aurait pu voir apparaitre les troubles du spectre des auteurs de violences sexuelles (TSAVS). On y a échappé. D’autant plus que si quelques rares spécialistes de la question avaient quelque chose à en dire, il est très probable que la très grande majorité des psychiatres et des psychologues n’a pas cherché à mieux connaître ce sujet.
Sur le plan organisationnel, guère plus d’avancées. Vingt ans depuis la création de la loi, c’est-à-dire à peu près au moment du lancement des premières certifications des hôpitaux et des beaux discours sur la Qualité, je n’ai pas constaté malgré tous ces efforts une amélioration de la psychiatrie sur les plans cliniques et thérapeutiques, mais plutôt une désorganisation institutionnelle. La loi HPST a enterré la philosophie du secteur, glorifié les pôles et la LMSS a confirmé cette évolution en l’aggravant (GHT et pas de GHT psychiatrique). Et plus encore, en adoptant l’article 72 sur l’isolement et la contention, la psychiatrie est pointée du doigt en ayant des pratiques archaïques, proches de la maltraitance au mieux, de la torture au pire. On imagine aisément que si la psychiatrie générale s’est autant dégradée depuis 20 ans, il est illusoire de croire que la prise en charge spécifique des auteurs de violence sexuelle ait pu connaître de substantielles améliorations, même si ici et là quelques rares équipes ont pu s’y intéresser.
Sur le plan institutionnel, on notera l’intéressant rapport sur « l’évaluation du dispositif de l’injonction de soins » de février 2011 réalisé par l’IGAS et l’IGSJ qui énonce 61 recommandations très pertinentes, dont par exemple la recommandation n° 56 : « Développer des recherches pour permettre de mieux discriminer parmi les auteurs de violence sexuelle ceux pour qui une prise en charge psychiatrique ou psychologique est indiquée ». Les Pouvoirs publics se sont-ils efforcés d’instaurer un suivi de chacune de ces recommandations ? Les recommandations de l’Audition publique connaîtront-elles le même sort que celle de ce rapport complet ? On s’interroge parfois (interrogation faussement naïve) sur la discordance qui existe entre les grandes déclarations politiques, volontaristes pour lutter contre ces phénomènes et les actions réellement mises en place.
Où cela cloche-t-il ?
L’expertise est-elle de qualité sur ce sujet ? Comment les experts répondent-ils à la question souvent posée dans l’expertise pré-sententielle : « Existe-t-il une opportunité à une injonction de soin ? » L’audition publique permettra-t-elle de faire une évaluation des typologies des réponses des experts à cette question, tout en faisant le point sur les éventuelles publications sur ce sujet précis ? Le corps des experts, et les psychiatres non experts, mais s’intéressant à la question, sait à quel point l’expertise psychiatre est mal en point en France pour de nombreuses raisons (démographiques, insécurité juridique, statutaire, etc.), sans perspective de changement positif à court ou moyen terme.
Les médecins coordonnateurs sont aussi mal logés. Peu nombreux. Il semblerait que les premiers inscrits commencent à partir (retraite), surtout si leur statut est incertain[3] et sans connaissance fine de leurs pratiques respectives qui vont de la pseudo expertise à celle de thérapeute en passant parfois par celle d’un réel coordonnateur des soins. Même remarque que pour les experts : l’audition publique fera-t-elle un bilan des pratiques des médecins coordonnateurs : choix des thérapeutes, relations avec eux, relations avec les JAP et les SPIP, style des rapports annuels, signalement au JAP d’une absence d’indication d’une poursuite des soins et combien de relèvements ont été demandés par les JAP et parmi eux, combien n’ont pas pu se faire par opposition du Parquet, etc.
Feu la psychiatrie de secteur, peu avant de rendre l’âme, ne s’est guère emparée du sujet, d’autant plus que parfois par manque de médecins coordonnateurs, les juridictions se replient sur une obligation de soin à défaut de pouvoir rendre opérante une une injonction de soin. Mais la réponse psychiatrique à ces demandeurs réticents n’est pas des plus enthousiastes. L’audition publique pourrait-elle faire des suggestions pour améliorer ces situations qui peuvent par ailleurs être abordées par le Comité de pilotage de la psychiatrie et le Comité de la stratégie santé des personnes placées sous main de justice. On voit ici qu’il y a un problème de « coordination » dont le mot est bien venu pour étudier ces questions.
J’en viens pour terminer à la psychiatrie en milieu pénitentiaire. Si des équipes ont pu s’emparer de la question, la majorité, ou plutôt la grande majorité des soignants est lassée de voir à longueur de consultation des personnes condamnées demander des consultations uniquement pour avoir une attestation de (pseudo) soins pour obtenir leur RPS (remises de peine supplémentaires) et qui est une déclinaison pénitentiaire de la lutte contre les risques psychosociaux (RPS). La conférence de consensus sur la prise en charge de la psychopathie avait en son temps proposé une déconnexion entre la prise en charge psychiatrique et les remises de peine, mais en vain[4] (ce qui pose la question de l’utilité des conférences de consensus ou des auditions publiques). Il faudrait absolument supprimer l’octroi des RPS à un suivi en milieu pénitentiaire, d’autant plus que cette obligation s’impose aussi à la personne condamnée pour laquelle l’injonction de soin est encourue (uniquement du fait de l’infraction), sans qu’elle ait été prononcée au moment du jugement, et sans qu’une expertise en ait proposé l’indication, détournant ainsi le sens de la loi qui devait faire reposer l’indication sur un constat clinique médical et non uniquement sur la nature de l’infraction.
Il conviendra aussi d’évaluer les organisations soignantes psychiatriques en prison pour les soins aux AVS à la suite des plans de prévention de la récidive de la fin des années 2000.
Du travail donc pour cette audition publique dont il faut espérer qu’elle ne se contentera pas de faire des préconisations politiquement correctes, satisfaisant l’obsession sécuritaire de la population et des gouvernants, tout en faisant des recommandations inapplicables, mais qui donnent bonne conscience et qu’elle s’appuiera surtout sur des travaux universitaires sérieux comme le travail de recherche de Virginie Gautron[5] et non sur les lubies et les impulsions démagogiques de certains personnages politiques.
Michel DAVID
Le 14 octobre 2017
[1] Fédération Française de Psychiatrie. Psychopathologie et traitements actuels des auteurs d’agression sexuelle. Conférence de consensus. 22 et 23 novembre 2001. John Libbey Eurotext.
[2] Loi n° 98-468 du 17 juin 1998 relative à la prévention et à la répression des infractions sexuelles ainsi qu’à la protection des mineurs.
[3] Comme il en a été ainsi pour Moi, démissionnaire fin 2015, suite à un désaccord juridique avec l’ARS.
[4] « Elle (la Commission d’audition) se montre en revanche réservée sur les dispositions visant à subordonner des réductions de peine au suivi d’une thérapie en prison ». Prise en charge de la psychopathie 15 et 16 décembre 2005. Paris (ministère de la Santé et des Solidarités). Recommandations de la commission d’audition. Mai 2006.
[5] (Se) soigner sous la contrainte : une étude du dispositif de l’injonction de soin (non publié. A paraître).
Réactions de l'ASPMP aux propos du ministre de l'Intérieur voulant mobiliser les psychiatres dans la lutte contre le terrorisme
De la radicalisation
(première partie)
La communauté psychiatrique a largement réagi aux propos du ministre de l’Intérieur désirant mobiliser la psychiatrie dans la lutte contre le terrorisme. L’ASPMP y a réagi par le communiqué ci-joint qui, conformément à l’exercice formel qu’implique un communiqué, reste laconique.
Or, en étant attentif aux réactions diversifiées entendues ici et là, il est évident que la connaissance de ce que fait la psychiatrie est particulièrement lacunaire pour la grande majorité des personnes. Non seulement la question du secret médical est mal comprise, mais ce que fait la psychiatrie quotidiennement est nettement méconnu. Il convenait d’y revenir dans une perspective d’information, dans un premier temps en évoquant la question du secret médical qui dépasse très nettement la simple question de LA confidentialité en médecine, mais s’inscrit de manière plus large dans un repli de l’intimité dans notre société au profit d’un exhibitionnisme indécent.
Première partie : le secret médical
« La loi a voulu garantir la sécurité des confidences faite à une personne dont l'état ou la profession, dans un intéret général et d'ordre public, fait d'elle un confident nécessaire »
Cass. crim., 17 juillet 1936, 12 avril 1951, 24 janvier 1957, 7 mars 1957)
Commençons par ce qui est très souvent incompris et fait même l’objet d’une réaction courroucée face à l’incivisme supposé du psychiatre. Comment un psychiatre, par ailleurs citoyen, pourrait-il refuser de signaler une situation dangereuse, une forme de « péril imminent » ? On verra dans la deuxième partie que la question du péril imminent fait partie du quotidien du psychiatre. Nombreuses ont été les réactions des médecins indiquant que les dérogations au secret professionnel existent et permettent à un psychiatre qui a eu connaissance dans son exercice professionnel de l’intention d’un de ses patients de commettre très probablement un crime ou un attentat de le signaler. Ce n’est donc pas tant l’existence du secret professionnel qui serait un risque pour nous tous qui est un problème, c’est plutôt la connaissance ou non qu’a le médecin d’une situation dangereuse qui représente une difficulté. J’y reviendrai après avoir fini la question du secret médical.
Ce qui est intéressant dans la question du secret médical, c’est plutôt qu’elle indique que notre société a tendance à en avoir fini avec ce principe. Vous pouvez vous référer au livre d’Anne Lécu présenté sur ce site, intitulé « Vie et mort du secret médical ». Depuis des années, les exceptions au secret médical se multiplient. Nous sommes dans un monde qui voudrait vouer un culte à la transparence qui doit être la plus complète possible comme pour les politiques par exemple. Les intimités des vies personnelles qui s’exhibent dans de nombreuses émissions de télévision n’existent plus. Pour le plus grand bien de tous, le partage d’informations dites parfois opérationnelles, qu’on essaie de délimiter (dans la loi) comme strictement nécessaire et après avoir recueilli l’avis autorisé des intéressés, doit s’instaurer largement et être facilité par l’outil informatique (dont on connait la fragilité concernant la confidentialité). Mais comment définit-on ce qui est strictement nécessaire et qui le définit ? Le nécessaire de l’un n’est probablement pas le nécessaire de l’autre, la loi laisse aux intéressés le soin de faire la part des choses. Le secret partagé, comme le partage d’informations opérationnelles, fait partie aussi de ces mots-clés dont sont très friands ceux qui pensent agir pour le bien d’autrui et qui y mettent ce qui sert plus leurs intérêts que ceux de la personne concernée qui le plus souvent perçoit mal les enjeux de ce qui se dit autour d’elle et sur elle. D’ailleurs, comme pour la restriction des libertés autour de l’état d’urgence, après tout, quand on est un honnête citoyen, on n’a rien à cacher.
Parler du secret professionnel, en lister l’histoire et les exceptions est évidemment impossible ici, bien qu’il est juste utile de rappeler que le modèle légal du secret professionnel en France s’est constitué autour de la pratique médicale avec l’ancien article 378 du Code pénal, de 1810 à 1994 (Tableau 1) pour évoluer vers une définition moins précise article 222-13 du Code pénal depuis 1994 (Tableau 2).
Les médecins, chirurgiens et autres officiers de santé, ainsi que les pharmaciens, les sages-femmes et toutes autres personnes dépositaires, par état ou profession ou par fonctions temporaires ou permanentes, des secrets qu’on leur confie, qui, hors le cas où la loi les oblige ou les autorise à se porter dénonciateurs, auront révélé ces secrets, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à six mois [*durée*] et d’une amende de 500 à 15 000 F [*taux résultant de la loi 85-835 du 7 août 1985*] [*infraction, sanction*]. Toutefois, les personnes ci-dessus énumérées, sans être tenues de dénoncer les avortements pratiqués dans des conditions autres que celles qui sont prévues par la loi, dont elles ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leur profession, n’encourent pas, si elles les dénoncent, les peines prévues au paragraphe précédent ; citées en justice pour une affaire d’avortement, elles demeurent libres de fournir leur témoignage à la justice sans s’exposer à aucune peine.
Les mêmes personnes n’encourent pas les peines prévues à l’alinéa 1er lorsqu’elles informent les autorités médicales ou administratives chargées des actions sanitaires et sociales des sévices ou privations sur la personne de mineurs de quinze ans et dont elles ont eu connaissance à l’occasion de l’exercice de leur profession ; citées en justice pour une affaire de sévices ou privations sur la personne de ces mineurs, elles sont libres de fournir leur témoignage sans s’exposer à aucune peine.
N’encourt pas les peines prévues à l’alinéa 1er tout médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices qu’il a constatés dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer qu’un viol ou un attentat à la pudeur a été commis.
Tableau 1. Le secret médical. Article 378 du Code pénal de 1810 à 1994.
La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende.
Tableau 2. Le secret professionnel. Article 226-13 du Code pénal en vigueur.
Mais pour illustrer une des modalités d’euthanasie du secret médical, je voudrais l’illustrer par une disposition peu connue, pourtant tellement porteuse de sens.
Le dossier médical de l’usager ayant le statut d’archives publiques
Jusqu’en 2008, les personnes qui pouvaient avoir accès au dossier médical d’une personne décédée, détenu par un établissement de santé, public ou privé, étaient ses ayants droit pour des motifs précis si la personne ne s’y était pas opposée de son vivant. Depuis la loi n° 2008-696 du 15 juillet 2008 relative aux archives, l’accès au dossier a complètement changé. Une circulaire d’août 2009 (jointe au bas de cet article) explique le détail de la règlementation tout en essayant de corriger le tir.
En effet, le dossier d’un patient est considéré comme étant des archives publiques communicables de plein droit à toute personne qui le souhaite vingt-cinq ans après le décès de la personne, sans qu’elle puisse s’y opposer de son vivant. Les établissements de santé sont tenus de conserver les dossiers vingt ans à compter de la date du dernier séjour. Il est évidemment étonnant que n’importe qui puisse aller consulter le dossier de son voisin, d’y appendre les pathologies somatiques dont il a pu être affecté. La situation est plus sensible dans les dossiers psychiatriques et pédopsychiatriques, car outre les données médicales relatives aux affections psychiatriques, d’importantes données biographiques très intimes concernant la personne et son entourage peuvent y être consignées.
Probablement conscients du problème, les pouvoirs publics jamais à court de contradictions conseillent aux établissements de santé « d’organiser avec une particulière attention l’élimination des dossiers dès expiration du délai règlementaire et à être particulièrement attentifs s’agissant de dossiers ayant appartenus à des patients dont ils ont été informés du décès ». Toutefois, l’élimination n’est pas si simple, car il faudra après s’être entouré des avis du directeur de l’établissement de santé et d’un médecin, avoir l’accord du directeur des archives départementales qui peut s’opposer à la destruction s’il considère qu’il faut conserver des dossiers pour documenter des travaux de recherche.
L’argument souvent entendu pour combattre le secret médical consistant à dire que les citoyens honnêtes n’ont rien à cacher est évidemment sans intérêt ici, puisqu’il ne s’agit pas de comportements délictueux, mais simplement de la vie intime. Outre le viol de l’intimité d’une personne ou de son entourage que cela implique, et j’espère ne pas avoir besoin de donner des exemples précis, ce type de règlementation présente au moins deux inconvénients pratiques :
- De nombreux psychiatres depuis plusieurs années ne consignent que le strict minimum dans les dossiers, se cantonnant à lister symptômes, traitements et autres mesures thérapeutiques prises et excluant toutes données biographiques qui sont pourtant de toute utilité dans la prise en charge d’un patient, amoindrissant ainsi la qualité des dossiers ;
- Les ayants droit qui font des demandes pour consulter le dossier d’un aïeul parfois des décennies après le séjour afin de mieux comprendre ce dont le grand-père souffrait, d’éclaircir des zones d’ombre et des non-dits familiaux, ne pourront plus accéder aux dossiers détruits. Accompagnant ces démarches, je les trouve très intéressantes. Elles apportent parfois un soulagement intense, balayant des non-dits plus angoissants que la réalité. Si les dossiers sont détruits, cette recherche de la mémoire et de l’histoire familiale ne sera plus possible.
À qui donc profite cette règlementation ? A-t-elle été prise sans que la question des dossiers des patients ait été envisagée ? Où relève-t-elle de l’obsession contemporaine pour le culte de la transparence et donc de son revers : une méfiance généralisée presque paranoïaque ? Quel est l’intérêt d’une consultation sans restriction ouverte à tous et d’en priver des ayants droit ? J’espère ne jamais voir la communication en ligne de tous les dossiers médicaux accessible à tous, mais nous y sommes presque.
Il s’agit donc d’un aspect peu connu, qui ne semble pas avoir mobilisé les foules, les spécialistes du droit médical ou les juristes en général, mais qui à mon sens interroge le fonctionnement de notre société. Personnellement, je n’ai découvert la question que récemment en travaillant avec le département de l’information médicale de mon hôpital et cet aspect est également largement méconnu de mes confrères et de la population générale. Quand j’accompagne les familles devant consulter ces vieux dossiers et que je les informe de la possibilité de tout un chacun de venir consulter le dossier de leur parent, elles ne manquent pas d’être surprises et choquées.
En prenant un seul exemple, et en y passant un peu de temps, les préjudices inhérents à la disparition du secret médical apparaissent évidents. Il faut imaginer que bien d’autres exemples existent.
De l’ordre public au désordre public
Le risque inhérent que font concourir les criminels djihadistes peut nous conduire à d’autres risques comme abandonner nos principes démocratiques. Le secret médical d’intérêt général et d’ordre public n’aurait donc plus un intérêt général et serait une cause de désordre public. Comme en temps de guerre, la délation augmenterait et les médecins devraient y participer. C’est pourtant dans les temps de crise qu’il faut s’arque bouter sur nos principes, y renoncer serait une reculade. Maintenant, il faut aborder ce que la psychiatrie peut et sait faire et ce qu’elle ne peut pas faire et ne sait pas faire.
Mais en attendant la suite, une citation célèbre : « L’heureuse influence exercée dans ces derniers temps sur la médecine par l’étude des autres sciences, ne peut plus permettre aussi de donner aux troubles mentaux le nom général de folie, qui peut avoir une latitude indéterminée et s’étendre sur toutes les erreurs et les travers dont l’espèce humaine est susceptible, ce qui, grâce à la faiblesse de l’homme et sa dépravation, n’aurait plus de limites. Ne faudrait-il point alors comprendre dans cette division toutes les idées fausses et inexactes qu’on se forme des objets, toutes les erreurs saillantes de l’imagination et du jugement, tout ce qui irrite ou provoque des idées fantastiques ? Ce serait alors s’ériger en censeur suprême de la vie privée et publique des hommes, embrasser dans ses vues l’histoire, la morale, la politique et même les sciences physiques dont le domaine a été si souvent infecté par des subtilités brillantes et des rêveries. »
À suivre.
Dr Michel DAVID
Président de l'ASPMP
Analyse du rapport d'information du Sénat sur
les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA)
La commission des affaires sociales du Sénat a confié aux sénatrices Laurence Cohen, Colette Giudicelli et Brigitte Micouleau une mission d’information sur les unités hospitalières spécialement aménagées.
Leur rapport d’information, intitulé « UHSA : construire pour soigner »[1] a été déposé le 5 juillet 2017.
Pour leur mission, les sénatrices ont visité trois UHSA, parmi les neuf UHSA de la première tranche, à Lyon, Villejuif et Toulouse et ont auditionné à la DGOS Samuel Pratmarty et Chantal Vuldy, Adeline Hazan pour le CGLPL et Catherine Paulet présentée comme chef de service du SMPR des Baumettes, mais aussi présidente d’honneur de l’ASPMP.
A noter que les sénatrices signalent que toutes les UHSA de la première tranche sont ouvertes et notamment la dernière, celle de Marseille, alors qu'à ce jour, au début d'août 2017, l'UHSA de Marseille n'est toujours pas ouverte. Les huit UHSA en fonctionement sont les suivantes :
- IdF : CH Paul Guiraud (Villejuif)
- Auvergne - Rhône-Alpes : CH le Vinatier (Bron)
- Hauts-de-France : CH Seclin
- Centre-Val de Loire : CH Georges Daumezon (Orléans-Fleury les Aubray)
- Grand Est : Centre psycho-thérapeutique de Nancy-Laxou
- Occitanie : CH Gérard Marchant (Toulouse)
- Nouvelle Aquitaine : CHS Cadillac
- Bretagne : CH Guillaume Régnier (Rennes)
La deuxième tranche comporterait 300 places supplémentaires dont trois UHSA en Outre-mer. Le positionnement exact des UHSA reste toujours imprécis. Leur localisation en Outre-mer est importante, afin de faire en sorte que les populations ultra-marines n'aient pas à faire des dépacement en métropole, posant la question de l'éloignement familial et de la complexite des transports longs en cas de crise. D'ailleurs si trois UHSA sont prévues en Outre-mer, un département en sera dépourvu (Réunion, Guyane, Martinique, Guadeloupe) et les transports devront se faire sur un autre département.
Ce rapport n’émet en fait que cinq propositions :
1. Favoriser les échanges et l’élaboration de bonnes pratiques entre les équipes soignantes des unités hospitalières spécialement aménagées ;
2. Mettre les moyens en personnel et en transports de l’administration pénitentiaire en adéquation avec les besoins des unités ;
3. Renforcer la formation et l’information des magistrats sur le rôle et le fonctionnement des unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA) ;
4. Lancer la deuxième phase du programme de construction des UHSA prévu lors de leur création en 2002 ;
5. Renforcer la possibilité de recours aux aménagements de peine pour les personnes détenues atteintes de troubles mentaux dans le cadre d’une obligation de soins.
Ces propositions ne reflètent pas les réserves que l’on peut percevoir dans la présentation du rapport ou dans les échanges avec leurs collègues dans la présentation de leur travail. En effet, même si les sénatrices recommandent de lancer la deuxième phase de construction des UHSA, elles insistent sur le fait que « le développement des UHSA ne présente cependant d’intérêt sanitaire que si leurs missions sont claires et le demeurent. Tout problème social et à l’intérieur du monde pénitentiaire, tout problème disciplinaire n’appelle pas une réponse psychiatrique. Les UHSA n’ont pas vocation à prendre en charge les personnes jugées dangereuses ou dont le comportement perturbe le fonctionnement des établissements carcéraux [...] Ce dispositif récent que sont les UHSA est important et intéressant à condition de l’utiliser pour les fins qui sont les siennes : offrir une prise en charge hospitalière à temps complet pour les troubles mentaux des personnes détenues pour la durée qui est nécessaire à l’amélioration de leur état » (p.8). Ce passage assez long de la courte introduction est lourd de sens sur le questionnement constant que notre société doit poursuivre sur les relations entre maladie mentale, délinquance et les réponses à y apporter.
Les débats entre élus sont d’ailleurs significatifs, car la problématique de la radicalisation ne manque pas d’apparaitre : les UHSA doivent-elles être une réponse à cette question ? Les sénatrices se positionnent clairement, et c’est heureux, en opposition à ces tentatives. Le lien entre UHSA et radicalisation n'est pas que dans la tête des parlementaires. Ainsi, un article récent de Libération sur le secret médical et le terrorisme utilise comme illustration la photo de l'UHSA de Lyon, soit une manière de délivrer des messages à peine sub-liminaux pour psychiatriser la radicalisation religieuse (http://www.liberation.fr/france/2017/07/31/face-au-terrorisme-la-question-du-secret-medical-taraude-les-medecins_1586916). L'ASPMP dénoncera toujours le dévoiement des outils de soin dont le recours doit reposer uniquement sur une indication strictement médicale. L'ASPMP avait d'ailleurs été sollicitée lors d'une de ses journées annuelles, en bénéficant de subventions, pour participer à des programmes de "déradicalisation". Insensible à l'appat du gain, l'ASPMP avait rejeté ces propositions. Sur ce thème, le récent rapport d'information du Sénat sur le désendoctrinement, le désembrigadement et la réinsertion des djihadistes en France et en Europe dénonce le business de la radicalisation, dans lequel l'exigence éthique de l'ASPMP a refusé de s'engouffrer (http://www.senat.fr/rap/r16-633/r16-633.html).
On ressent aussi une certaine perplexité des sénatrices sur la lourdeur de pathologies rencontrées par certains patients (détenus), allant même jusqu’à se demander comment des patients lourdement sédatés pourront revenir en détention ordinaire.
Bien que le premier chapitre s’intitule « La place des UHSA dans le système de soins », la référence aux secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire est absente (une référence est uniquement faite par une autre sénatrice au cours des débats), confirmant ainsi l’abandon de la notion de continuité des soins au sein d’une organisation cohérente et pouvant aussi s’articuler avec le secteur de psychiatrie générale, seule solution pour s’approcher au mieux de la 5e recommandation : renforcer les aménagements de peine et éviter que les UHSA ne deviennent une filière de soin au risque potentiel de devenir ségrégative si les soignants en venaient à relacher leur vigilance et leur devoir d'alerte.
Si ce bref rapport préconise le lancement de la deuxième tranche, tout en rappelant que les UHSA sont extrêmement coûteuses, il doit être reçu comme un élément de l’évaluation des UHSA que l’ASPMP demande depuis longtemps. Évaluation très large qui ne doit pas se contenter d’une évaluation économique, mais qui devra s’efforcer de replacer les UHSA dans la question générale de la relation maladie mentale/délinquance/accessibilité à la sanction pénale (et à quel type de sanction pénale) et des articulations « dedans/dehors ». Ce dernier point représente de nombreux enjeux. Les sénatrices rappellent bien que les UHSA sont nées du refus ou des difficultés des équipes des hôpitaux psychiatriques d’accueillir des personnes détenues par crainte de leur dangerosité supposée ou fantasmée ou des risques d’évasion.
L’ASPMP a d’ailleurs écrit récemment à la ministre de la Santé afin de lui exprimer les attentes des professionnels quant aux mesures envisagées dans l’instruction du 29 mars 2017 relative à la réduction des pratiques d’isolement et de contention et qui a fait l’objet de l’éditorial du mois de juin (à retrouver dans la rubrique archives éditoriaux).
Associé à cet éditorial, vous trouverez la réponse de Cécile Courrèges, directrice générale de l’offre de soins à la question adressée par l’ASPMP à la ministre de la Santé sur l’évaluation des UHSA et qui est aussi au programme du Comité de pilotage de la psychiatrie dont je suis le coréférent rapporteur avec le professeur Pierre Thomas de Lille pour la thématique "Psychiatrie en milieu pénitentiaire" (cf. lettre de mission ci-dessous).
Dr Michel DAVID
Président de l'ASPMP
[1] http://www.senat.fr/rap/r16-612/r16-612.html et ci-dessous.
Les conditions d'hospitalisation des personnes détenues dans les hôpitaux psychiatriques
Depuis quelques temps, la question de l'isolement et de la contention en psychiatrie est largement débattue.
L'article 72 de la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016 (article L.3222-5-1 du code de la santé publique), les recommandations de bonne pratique de la Haute Autorité de santé de février 2017 puis l'instruction du 29 mars 2017 du ministère de la santé en font état.
Par ailleurs, il est constaté de longue date que l'hospitalisation des personnes détenues dans les hôpitaux psychiatriques, sous le régime légal du soin psychiatrique sur décision du représentant de l'Etat (ex hospitalisation d'office) en application de l'article D 398 du code de procédure pénale, en l'absence de place dans les unités hospitalières spécialement aménagées (UHSA), se déroule dans de mauvaises conditions avec le plus souvent un isolement continu, parfois de la contention, pour des raisons majoritairement sécuritaires et non cliniques.
Si les pouvoirs publics mettent la pression sur les équipes soignantes et administratives des hôpitaux psychiatriques pour réduire l'isolement et la contention, ils se sont mis aussi la pression sur eux-mêmes. En effet, les pouvoirs publics n'ont jamais aidé les hôpitaux pour éviter la pression sécuritaire qui était mise sur eux afin d'éviter les évasions, d'où l'excès des pratiques d'isolement.
L'instruction citée (cf. document pdf ci-dessous) rappelle que "lorsque des personnes détenues sont hospitalisées dans l'attente d'une place en UHSA, le recours à l'isolement et à la contention doit relever d'une nécessité médicale". Et le ministère de la santé s'engage en précisant : "Les modalités de mise en oeuvre de cette recommanation dans les établissements feront l'objet de travaux ministériels des ministères de la santé, de la justice et de l'intérieur".
Le présent courrier à madame la ministre de la santé exprime l'attente des professionnels sur le résultat des travaux interministériels en espérant que leurs conclusions ne se fassent pas trop attendre...
Installation du comité de suivi de la stratégie nationale
"santé des personnes sous main de justice"
Courant 2016, l’ASPMP était informée que la ministre de la Santé envisageait une « feuille de route » pour les soins en milieu pénitentiaire et qui pouvait être annoncée courant dernier trimestre 2016. Il n’en fut rien.
Ce ne sera que dans les derniers jours du quinquennat que l’intention prit forme avec l’installation d’un comité de suivi de la stratégie nationale « santé des personnes placées sous main de justice » présidé par le directeur de la DGS.
L’ASPMP, comme nos collègues somaticiens de l’APSEP, y était conviée en étant représentée par son président ou le représentant du président. La Fédération Française de Psychiatrie (FFP) était aussi conviée. Étant élu récemment président de la FFP pour la période 2019-2020, j’ai demandé à Marc FEDELE, vice-président de l’ASPMP de représenter notre association tandis que je représentais la FFP.
Les UHSA avaient également un représentant, en tant que personnalité qualifiée. Anne-Hélène Moncany, également membre du conseil d’administration de l’ASPMP, est cette personnalité qualifiée.
Nous avons donc assisté tous les trois à l’installation de ce comité dont les suites doivent consister en des groupes de travail dont vous trouverez la déclinaison dans le document exposant la stratégie nationale relative à la santé des personnes placées sous main de justice (rubrique Documentation). Je joins mes commentaires sur ce document pour la FFP (rubrique Contributions ASPMP).
Parmi les actualités qui nous concernent, peut-être êtes-vous informés d’un autre groupe de travail mis en place également en cette fin de quinquennat : le comité de pilotage de la psychiatrie, animé par le Dr Yvan Halimi et la directrice de la DGOS dont les travaux doivent se dérouler sur trois ans. J’y assiste en tant que personnalité qualifiée pour l’ASPMP. Je devrais y assurer les fonctions de référent-rapporteur dans le groupe de travail spécifique relatif à la psychiatrie en milieu pénitentiaire quand il sera lancé (pas de date prévue pour l’instant).
Comme vous pouvez le constater, vos représentants ont du travail en perspective, bien qu’il faille toutefois s’assurer de la pérennité de ces groupes de travail avec le nouveau quinquennat. Évidemment, nous ne manquerons pas de vous informer des suites significatives de ces travaux, d’autant plus qu’il nous convient d’être vigilant, car le contexte de notre exercice professionnel est toujours plus complexe et vos questions sur GENESIS qui arrivent au bureau en sont un exemple criant. En outre, nous aurons certainement besoin de vous solliciter pour avoir votre avis sur les questions qui nous seront soumises.
Michel DAVID
Réduction des risques en prison : où sont les seringues ?
Le 27 mars 2017
Nous, associations d’usagers, de réduction des risques, de professionnels de l’addictologie et de la santé en milieu pénitentiaire, déplorons l’inertie des Pouvoirs publics pour appliquer une politique de prévention des risques en prison. Un dossier vieux de nombreuses années, que nous avons eu l’espoir de voir aboutir suite à l’adoption de la Loi de Modernisation du Système de Santé. Mais aujourd’hui les arbitrages du ministère de la justice et du premier ministre n’en tiennent pas compte.
Sommes-nous naïfs. Une fois de plus, la direction de l’administration pénitentiaire, bien soutenue par son ministère de tutelle, a accompli son récurrent ouvrage : saboter le processus aboutissant à la mise en place de programmes de seringues en prison. Les arbitrages réduisent le travail interministériel et les nombreuses années de concertation basées sur les études scientifiques, à une seule logique sécuritaire.
Et pourtant, personne n’ose même plus affirmer qu’il n’y a pas de drogues en prison. Il faut le rappeler des usagers de drogues sont en prison et n’ont pas accès à la totalité des dispositifs de prévention du VIH et des hépatites et de soins disponibles en milieu ouvert. L’entrée en prison de l’injecteur de drogues ou le miracle du sevrage instantané…
Dans la réalité, que se passe-t-il ? Les personnes se procurent une seringue (et/ou une aiguille) par différents circuits, sinon un stylo sera détourné de son usage pour servir de corps et une aiguille y sera « adaptée ». Les personnes ne souhaitant pas être identifiées comme des usagers de drogues, les points d’injection ne doivent pas être visibles, ils sont donc cachés. Cela entraine des injections avec des risques élevés car elles sont réalisées en dessous de la ceinture (jambe, pied, artère fémorale…). Les dommages sont terribles et l’administration pénitentiaire ferme les yeux.
Elle ne veut pas voir de seringues dans ses murs. Pourtant, l’évaluation de TOUS les programmes d’échanges de seringues en prison au niveau européen montre non seulement une absence d’incidents mais également une amélioration de la situation sanitaire des détenus injecteurs. Si la D.A.P en venait à tolérer des seringues, celles-ci seraient confinées dans les Unités sanitaires. Comme si chaque prison allait ouvrir une salle de consommation à moindre risque. Cela en serait risible si nous n’avions pas perdu notre humour depuis longtemps.
Malgré tous les principes d’équivalence de soins inscrits dans de nos nombreux textes nationaux et internationaux, la cohérence des politiques de réduction des risques et de drogues s’arrêtera aux portes de la prison, avec tous les risques pour les populations concernées.
Le dernier décret de la Loi de Modernisation du système de Santé ne verra jamais le jour et nous sommes en colère. Les politiques de santé publique sont décidées par l’administration pénitentiaire et non par le ministère de la Santé.
Pour autant, nous ne baissons pas les bras et nos organisations demandent :
· L’application des conclusions du groupe de travail lancé conjointement fin 2012 par la ministre de la Santé et de la Justice sur la RDR en milieu pénitentiaire
· L’application de la Loi de Modernisation de son Système de Santé et de son article...
· La mise en place d’un programme d’échanges de seringues en prison dans une optique de santé publique
Car la réduction des risques en prison est possible. Les expériences internationales le prouvent et comme en ce qui concerne les salles de consommation, la France cessera un jour d’être la vieille tante réactionnaire de la politique des drogues.
Contacts presse :
AIDES – Christian ANDREO : 06 88 24 61 35
APSEP –Damien MAUILLON : 06 14 64 71 25
ASPMP – Michel DAVID : michel.david.aspmp@gmail.com
ASUD et CHV – Fabrice OLIVET : 06 04 51 33 82
Fédération Addiction : Nathalie LATOUR –06 12 21 07 25
OIP – François BES - 06 64 94 47 05
Sidaction – Marine CHARLIER : 01 53 26 45 36
SOS Hépatites – Helene DELAQUAIZE : 06 19 57 44 11
TRT5 – Caroline GASIGLIA :06.20.78.64.48
NB : Les français favorables ?
=> Sondage AIDES/CSA/Libération 2012 :
Les français majoritairement favorables à l’échange de seringues en prison (66%, soit les 2/3)
Lettre à madame la Ministre de la Santé relative aux UHSA
26/02/2017
Objet : Evaluation première tranche UHSA/Mise en route travaux deuxième tranche
Madame la Ministre,
La première tranche du programme UHSA est en train d’être finalisée avec l’ouverture de l’UHSA de Marseille prévue pour le mois de septembre 2017. Lors des journées des UHSA de Toulouse en décembre 2015, les représentants de la DGOS et de la DAP avaient annoncé une évaluation du fonctionnement des UHSA au cours de l’année 2016. Évaluation à laquelle les professionnels de terrain que nous sommes devaient être associés et que l’ASPMP a demandé à plusieurs reprises. Cette évaluation devait permettre d’apporter des éléments éclairants pour préparer la mise en œuvre de la deuxième tranche.
L’ASPMP n’a pas à ce jour était sollicitée pour des réunions de travail sur ce sujet. À quelle date les travaux de cette deuxième tranche doivent-ils débuter ? Sous quelle forme l’ASPMP sera-t-elle associée à ce travail ? En effet un travail de coordination nationale des UHSA a vu le jour en 2016 permettant le recueil d’informations sur les points forts et les points à améliorer dans le fonctionnement de ces structures. Il serait extrêmement dommageable que les professionnels de terrain ne soient pas associés dès le début des travaux.
En restant disponible pour une rencontre, nous vous prions d’agréer, Madame la Ministre, nos très respectueuses salutations.
Docteur Michel David Docteur Pascale Giravalli
Psychiatre des Hôpitaux Psychiatre des Hôpitaux
Président de l’APSMP Vice- présidente de l’ASPMP
Psychiatrie et société de surveillance et de défiance :
De la loi du 5 juillet 2011, de l’isolement, de la contention et de l’autisme
Michel DAVID
Les faits
L’année 2016 aura été marquée pour la psychiatrie (usagers comme professionnels) par un regard aigu des parlementaires sur le recours à l’isolement et la contention considérée comme des pratiques de dernier recours. L’autisme a aussi attisé les débats, notamment suite à l’initiative d’un député du groupe « les républicains » de déposer une proposition de résolution[1] sur ce sujet. Et depuis 2011, la psychiatrie a connu une grande réforme avec un contrôle d’un magistrat, le juge des libertés et de la détention, de la légalité de la mesure d’hospitalisation sous contrainte (soins sur demande d’un tiers et soins sur décision du représentant de l’État) afin de s’assurer que la privation de liberté que subit la personne hospitalisée est conforme à la loi.
Des sujets aussi spécialisés, à la fois d’une grande complexité tout en concernant de très nombreuses personnes, sont absolument hermétiques pour le grand public tout en laissant de nombreux professionnels impliqués dans une pratique quotidienne souvent dépassés par des situations ubuesques. Il est ainsi quasiment impossible pour une personne qui n’est pas directement impliquée dans les formalités à suivre dans la loi du 5 juillet de percevoir les chausse-trappes qui jalonnent la démarche qui ne devrait être que surtout thérapeutique. Il n’est donc pas question ici de lister chaque point de détail qui est une épreuve non seulement pour le soignant ou l’administratif de l’hôpital, mais aussi pour le patient qui bien souvent éprouve un malaise à en percevoir le sens, voire se trouve déstabilisée par ce qu’on lui demande. Peu importe que le droit à se soigner ou à être soigné s’en trouve remis en question, la priorité voulue par notre société est le respect d’un droit supérieur : la non-privation de liberté[2]. La jurisprudence abondante depuis 2011 montre toute la complexité de la loi, de son interprétation possible. Si les magistrats en ont des lectures différentes, que dire des soignants, bien dépassés par tous ces débats juridiques, par les usagers et leur entourage qui se trouvent ballotés entre droit et soins. Il s’ensuit une débauche de pointillismes administratifs et juridiques qui fait perdre le sens d’un dispositif dont le but est de soigner.
Le même pointillisme se met en place avec l’isolement et la contention exigeant une traçabilité rigoureuse qui va s’ajouter à la complexité administrative de la loi du 5 juillet et ouvrir à de nouveaux litiges[3]. L’objet du présent texte n’est pas de discuter la forme de ces dispositifs, mais d’en interroger le sens.
C’est justement de ce sens que la société met dans la psychiatrie qu’interrogeait la proposition de résolution n° 4134 du 13 octobre 2016 invitant le Gouvernement à promouvoir une prise en charge de l’autisme basée sur les recommandations de la Haute Autorité de santé. Les réactions et les commentaires ont été nombreux suite à ce dépôt de proposition et il est aisé de se référer aux termes du débat sur internet. Il conviendra de retenir une défiance importante envers la psychiatrie, tendant à imposer aux psychiatres des modalités précises de prise en charge et de les condamner pénalement s’ils ne s’y soumettaient pas. La démarche a été critiquée comme une forme de dictature politique sur le soin, comparée au lyssenkisme de la période stalinienne.
De la surveillance et de la défiance
Le constat est largement partagé que nous sommes dans une société de surveillance assez extensive. Personne n’ignore le pistage opéré sur internet, ne serait-ce que pour des raisons commerciales, ou la traçabilité de chacun à partir de son smartphone ou ses moyens de paiement dématérialisé. Le caractère presque « sacré » (au sens du serment d’Hippocrate) a totalement disparu et sur le plan pratique les incitations ou les obligations aux échanges d’information se multiplient. La vidéosurveillance s’accroit.
Comme le disait Michel Foucault (La société punitive, Surveiller et punir), « le panoptisme est une forme sociale générale qui déborde largement la prison ». En 1973/75, le philosophe considérait que « le discours disciplinaire va décrire, analyser, fonder la norme et la rendre prescriptible, persuasive (...), le discours qui parle du roi (...) va céder la place au discours du maître, c’est-à-dire au discours de celui qui surveille, dit la norme, fait le partage entre le normal et l’anormal, apprécie, juge, décide : discours du maître d’école, du juge, du médecin, du psychiatre (...), c’est le discours normalisant, celui des sciences humaines » (conclusion de La société punitive).
Si ce discours disciplinaire et panoptique persiste, qui fixe la norme, il a quitté les sciences humaines (médecine et psychiatrie), pour rester celui du juge et du droit. Mais, outre la généalogie actuelle de ce discours normalisateur, il s’appuie sur une ambivalence (au sens clinique du terme) : pour lutter contre une forme de culpabilité, le législateur, à défaut de fixer les moyens pour appliquer les normes pointilleuses qu’il énonce, mais qui satisfont l’affichage du faire politique, se fait le défenseur de citoyens opprimés par une psychiatrie uniquement répressive. Une psychiatrie qui de toute façon, et il s’agit d’un constant constat, est responsable d’internement ou d’externement arbitraires, d’autant plus que le champ de la maladie mentale peut être considéré comme en-dehors de celui de la médecine et pourrait n’être qu’une construction des psychiatres pour justifier leur travail.
Le législateur s’engage dans une démarche « sachante » des règles professionnelles à appliquer. Dans le champ de la psychiatrie, il a décidé par exemple que les psychiatres pouvaient prescrire des anti androgènes pour les délinquants sexuels, que la rétention de sûreté se justifiait en raison d’un trouble grave de la personnalité à l’origine d’une particulière dangerosité et d’une probabilité très élevée de récidive et maintenant, il considère que l’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours.
Sur la question de l’autisme, la proposition de résolution monte cette même tendance des parlementaires qui sachant le vrai invite le « Gouvernement français à faire reconnaître sans aucune réserve et officiellement, par la Fédération française de psychiatrie, les recommandations de bonnes pratiques de l’HAS et de l’ANESM afin qu’elle renonce officiellement au packing, à la psychanalyse et à toutes les approches maltraitantes ». Il est d’ailleurs intéressant de constater que les trois premiers signataires de la proposition sont de formation juridique. Certes, on ne peut nier toute l’importance du droit dans un État de droit, mais jusqu’où le droit peut-il fixer les normes ? Va-t-il imposer au chirurgien la technique pour faire une greffe de rein ?
Et le paradoxe actuel consiste aussi, alors que l’on constate une certaine réserve citoyenne, et c’est un euphémisme, pour le monde politique, interrogeant sa compétence à gouverner, par ailleurs, il se livre à une débauche de règles pour masquer son impuissance, mettant éventuellement à mal de nombreux domaines de la vie sociale, comme le montre à l’excès la proposition de résolution accusant les psychiatres de maltraitance.
L’objet de ce présent éditorial n’est pas de discuter précisément de la loi du 5 juillet, de l’isolement ou de la contention, ou de l’autisme, mais d’interroger ce fonctionnement de nos institutions qui légifèrent ou créent des règlementations parfois par obligation, et dans ce cas trop rapidement, comme ce fut le cas pour la loi du 5 juillet 2011, ou sur pression de lobbies, comme pour l’isolement et la contention non prévus dans le projet de loi déposé par l’exécutif.
Les propos de la ministre de la Santé, interrogée s’il fallait opter pour décision ou prescription d’une mesure d’isolement ou de contention, sont illustratifs de ces modes de « décision » :
« Mme Marisol Touraine, ministre. Il s’agit d’une question sémantique que, pour être honnête, je ne me sens pas à même de trancher, monsieur le député ! Vous proposez de remplacer le mot « décision » par le mot « prescription ». Il est vrai que le premier figure dans la littérature internationale, alors qu’en France on utilise plutôt le mot de « prescription ». Cependant la référence aux recommandations de la Haute Autorité de santé n’est pas de niveau législatif. Faut-il que, dans le cadre de l’examen de ce projet de loi, nous tranchions une question qui relève en réalité d’une décision de la Haute Autorité de santé et des pratiques médicales ? Je n’en suis pas certaine. Je vous demanderai par conséquent de retirer votre amendement ; à défaut, je m’en remettrai à l’avis de la commission. Il me semble en effet difficile d’avoir une opinion tranchée sur la question en termes politiques »
Ce qu’il aurait fallu en termes politiques durant ce quinquennat, c’était de suivre une proposition du candidat F. Hollande, c’est-à-dire proposer une loi spécifique à la psychiatrie, après une minutieuse préparation et un débat approfondi. Il est d’ailleurs dommage que la longue et précise mission du député Denys Robiliard consacrée à la psychiatrie n’ait accouché que des articles 69 et 72 dans la loi de modernisation de notre système de santé. Et pourquoi une loi spécifique ? Est-ce par narcissisme psychiatrique ? Une anecdote : c’était en 2013, il me semble. J’étais invité, pour l’ASPMP, au ministère avec d’autres représentants des syndicats et associations professionnelles, pour répondre justement à cette question : loi spécifique ou non. Mes collègues s’expriment, mais en omettant un argument qui me semblait essentiel et déterminant : il faut une loi spécifique, car la psychiatrie est l’occasion d’une privation de liberté, tout en précisant que les psychiatries proposent une hospitalisation sous contrainte et que le directeur (SDT) ou le préfet décident (SDRE) l’hospitalisation, puis démarche inverse pour mettre fin à l’hospitalisation. La conseillère qui nous recevait me regarde d’un air étrange et manifestement ne me semble pas percevoir l’importance de la situation, pourtant la loi du 5 juillet était passée par là.
Il faut donc un débat approfondi sur la psychiatrie avec le souci d’articuler au mieux les droits des usagers et notamment le respect de la liberté individuelle et à la dignité et le droit à se soigner en bénéficiant des soins les plus adaptés, nécessaires et proportionnés et répondant autant que possible à la règle hippocratique : d’abord, ne pas nuire.
[1] Les provisions de résolution ont été introduites par la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008. Ainsi l’article 34-1 de la Constitution prévoit que « Les assemblées peuvent voter des résolutions dans les conditions fixées par la loi organique ». Elles consistent en un outil à la disposition de parlementaires pour inciter l’exécutif à prendre des décisions sur le sujet traité dans la résolution.
[2] En application de l’article 66 de la Constitution : « nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».
[3] Un premier jugement sur ce sujet a été rendu par la Cour d’Appel de Versailles le 24 octobre 2016 R.G. n° 16/07393.