Journées nationales 2020

 

Les 27e Journées des Secteurs de Psychiatrie en Milieu Pénitentiaire à Cherbourg à la Cité de la Mer prévues du lundi 6 avril au mercredi 8 avril 2020 ont été annulées, car survenant pendant le pic de la pandémie de covid-19.

 

Le choix a été fait de ne pas les reporter, mais de les faire exister sous forme de contributions demandées aux intervenants qui le souhaitent, aux présidents des séances et aux congressistes qui s’étaient inscrits, y compris les posters soumis par différentes équipes. Mais des contributions sont acceptées (mais restant soumises à l’approbation du comité scientifique des Journées) de toute personne intéressée par le thème du congrès, tout en pouvant moduler ces écrits des réflexions et émotions de ce moment exceptionnel et déroutant pour l’ensemble de l’humanité.

 

Ne pas les reporter, c’est considérer qu’elles ont existé dans cette période si particulière;  publier les actes en conservant les dates prévues, c’est considérer que la vie, pour ceux qui ont eu la chance de la conserver, ne s’est pas arrêtée et que cette publication représente un effort de mémoire pour ceux qui l’ont perdue et également un hommage pour tous les corps professionnels qui ont continué à faire vivre le pays pendant cette période, avec une pensée toute particulière pour les équipes soignantes des services de réanimation qui ont connu bien des situations éprouvantes et des questionnements éthiques.

 

Les actes seront au moins publiés sous un format PDF, voire si possible sous forme d’un ouvrage. Vous trouverez ci-dessous l'argument et le programme juste avant sa version définitive.

 

Chaque intervention est précédée dans le programme définitif d'un court argument permettant de situer le sujet.

 

Merci pour votre contribution.

 

Michel DAVID

Président de l'ASPMP

Les dessins qui accompagnent cette page auraient été projetés au moment des Journées. Ils sont l'oeuvre de Joselito Bouley, ergothérapeute à la Fondation Bon Sauveur de la Manche, corganisatrice de ces journées.

 

Merci à Joselito d'avoir su donner un éclairage humoristique à une thématique ardue, alliant psychiatrie et prison.

 

PSYCHIATRIE ENFERMEE

PSYCHIATRIE OBLIGEE

PSYCHIATRIE OUBLIEE

PSYCHIATRIE LIBEREE

Les positionnements syndicaux sur l'articulation psychiatrie générale/psychiatrie en milieu pénitentaire

Michel DAVID

 

Cette table ronde réunissant syndicats et association de psychiatres était attendue depuis longtemps. En effet, les relations entre professionnels de la psychiatrie générale et ceux exerçant en milieu pénitentiaire ne sont pas toujours aisées. Rares sont en effet les opportunités d’un dialogue entre les organisations professionnelles de psychiatres sur ce sujet.

 

En effet, la création du secteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire (SPMP) a été en partie motivée par la réticence des psychiatres hospitaliers à intervenir en milieu pénitentiaire et a contribué à un clivage progressif entre psychiatrie générale et psychiatrie en milieu pénitentiaire, mettant à mal le principe « libérateur », désaliénant du Secteur. Les réticences s’exprimant dans les années 70 reposaient sur un postulat en partie faux : les troubles psychiatriques que présentaient les personnes détenues étaient dus au contexte délétère de la prison. Certes, personne ne peut nier que le milieu carcéral n’est guère propice à l’épanouissement d’une bonne santé mentale, mais il n’y avait aucune raison sérieuse de penser que des troubles mentaux sans relation avec la prison pouvaient épargner les personnes incarcérées. Mais cette position « idéologique » n’était pas la seule cause de réticence à intervenir dans les prisons qui n’offrait pas de prime abord un cadre d’exercice épanouissant, en tout cas moins « familier » que ne l’est l’hôpital ou l’exercice en centre médico-psychologique entre autres.

 

La psychiatrie de la seconde moitié du XXe siècle avait souhaité quitter l’asile, être intégrée dans la cité et la prison semblait revenir à un système clos. Aussi, est-il particulièrement paradoxal que pour vaincre les réticences des psychiatres, a-t-il fallu créer le secteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire en 1986, un secteur se définissant par son lieu d’exercice « ghettoïsant », s’opposant aux deux autres secteurs de déclinant autour des principes de la psychiatrie de l’adulte et de la psychiatrie infanto-juvénile. Bien qu’ambigu, il faut reconnaitre que la création du SPMP a été en avance sur la médecine somatique en étant rattaché au ministère de la Santé, aux hôpitaux, alors qu’il faudra attendre 1994 pour que la médecine somatique suive la même voix, se détachant de la tutelle de l’Administration pénitentiaire et quittant son statut de « médecine de sous-hommes » comme la qualifiait Robert Badinter. Un autre avantage de la création du SPMP a été de lui permettre d’obtenir des moyens de fonctionnement qui lui manquait alors sérieusement.

 

Cependant, cette démarche accompagnait un lent mouvement sécuritaire de la société. Quand les personnes détenues nécessitaient un soin contraint, qui est impossible en prison, il fallait les hospitaliser en hôpital psychiatrique, ce qui n’était pas sans problème pour diverses raisons : peur de l’image de détenu, raisons sécuritaires, comme la crainte de l’évasion. Et les conditions d’hospitalisation, le plus souvent en chambre d’isolement, ne s’avéraient absolument pas thérapeutiques. Cette persistante réticence psychiatrique, en phase avec l’aggravation des ambiances sociétales sécuritaires a conduit à la création des unités d’hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) en 2002 dont le programme s’est lentement déployé et n’est pas achevé au moment de ces journées. Les UHSA sont implantées dans un hôpital, mais avec une sécurisation pénitentiaire. Les moyens qui leur sont octroyés sont également une source de tension avec une psychiatrie générale dont on connaît le manque important de moyens et qui l’a largement manifesté ces derniers temps.

 

Les UHSA, même à l’issue de l’achèvement de toutes les constructions prévues, ne permettront pas de répondre aux besoins de la population pénale, dont on sait qu’elle est chroniquement en surnombre, symptôme aussi d’une société pusillanime qui éprouve des difficultés à renoncer à une politique répressive préférant l’incarcération à une politique d’alternatives à la prison. La création des UHSA redistribue l’offre de soins psychiatriques aux personnes incarcérées. La mission « d’hôpital de jour » atypique des services médico-psychologiques régionaux (SMPR) a besoin d’être redéfinie, ainsi que la mission régionale des SMPR, sans oublier que l’ensemble de cette organisation sanitaire connaîtra des changements secondaires au régime des autorisations en cours d’élaboration par la ministère de la Santé.

 

Indépendamment de ces grandes manœuvres, mais à leur occasion, il est opportun de s’interroger sur l’opportunité actuelle de maintenir un clivage entre secteur de psychiatrie générale et secteur de psychiatrie en milieu pénitentiaire, d’autant plus qu’en s’appuyant sur la notion de « parcours de soin » de tout assuré social, la personne détenue ne l’est que pour un temps et le passage dans le « CMP de la prison » doit pouvoir être le relais d’éventuels soins antérieurs ou à venir en milieu ouvert. Une unité sanitaire en milieu pénitentiaire (USMP), pour utiliser la terminologie actuelle, ne devrait-elle pas simplement être un CMP comme tous les autres et inclus dans un pôle ou un secteur de psychiatrie ? Penser ainsi serait revenir aux fondamentaux du secteur de psychiatrie, « ghettophobe » par nature.

 

La table ronde va ainsi permettre de se demander si la psychiatrie en milieu pénitentiaire est une psychiatrie à part entière ou entièrement à part.

 

 

Claire GEKIERE

Psychiatre de secteur en Savoie

Union Syndicale de la Psychiatrie (USP)

 

J’avais proposé de représenter l’USP à ces journées pour 2 raisons : d’abord la contrainte, les restrictions de liberté, les inclusions stigmatisantes m’intéressent de longue date ; ma thèse de médecine portait il y a plus de 30 ans sur les « transformations de PO en PV ». Et puis j’aurais aimé découvrir Cherbourg ; la « cité de la mer » et la « gare transatlantique » avaient vaincu ma retenue initiale à traverser la France en diagonale depuis la Savoie.

 

Le positionnement de mon syndicat sur les soins aux personnes détenues n’a pas varié au fil des ans et est assez simple à résumer :

  • Des moyens suffisants pour les SMPR et autres soins en milieu pénitentiaire.
  • Pas d’obligation de soins en prison, et donc hospitalisation en service de psychiatrie en cas de refus de soins.
  • Ces hospitalisations ne doivent pas avoir lieu systématiquement en chambre d’isolement (comme le pratiquent encore la majorité des services de psychiatrie), celle-ci relevant d’une indication médicale, en fonction de l’état clinique.
  • En 2008, nous nous sommes opposés à la loi de rétention dsûreté, monstruosité juridique, aux relents totalitaires : comme l’écrit Hannah ARENDT dans « Les origines du totalitarisme » : « Dans le monde totalitaire la catégorie des suspects embrasse la population toute entière… Du seul fait qu’ils sont capables de penser, les êtres humains sont suspects par définition » (Points Seuil, 1972, p. 162).
  • Les UHSA nous ont posé un problème lors de leur création : amélioration des conditions de soins, mais dispositif d’exception (risquant de plus de capter les personnels des hôpitaux où elles sont créées). En pratique, sur Lyon, l’UHSA n’empêche pas le passage en HP vu ses modalités et délais d’admission.
  • Nous avons dénoncé régulièrement les atteintes à la confidentialité liées au partage de plus en plus intrusif de données de santé des personnes détenues avec l’administration pénitentiaire, en raison de pressions sécuritaires de plus en plus fortes. Cela existe dans tous les champs de la psychiatrie, la récente décision du Conseil d’Etat dans l’affaire du croisement du fichier Hopsyweb avec celui des fichés S s’inscrit dans cette politique systématique de non-respect de la vie privée :
  • Ne pas de soucier de la protection de la vie privée sous prétexte que l’on n’a rien à cacher, c’est comme ne pas se soucier de la liberté d’expression sous prétexte que l’on a rien à dire » Edward SNOWDEN.

 

Globalement, l’USP approuve et soutient les positions prises par l’ASPMP et le contrôleur général des lieux de privation de liberté, puisque nous partageons cette vision du monde ainsi résumée par Benjamin FRANKLIN « un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’un ni l’autre, et finit par perdre les deux ».

 

Vision mise à l’épreuve du confinement actuel et de « l’état d’urgence sanitaire », qui fait si bien ressortir les problèmes déjà connus : isolement de certains, violences intrafamiliales, inégalités sociales, paupérisation organisée des services publics. Puissent cette lumière crue sur ces problèmes, l’éprouvé corporel de chacun d’une restriction de la liberté d’aller et venir et ces élans de solidarité éclos et tenaces nous permettre de travailler différemment après cette épreuve collective.

 

 

Pérégrinations clandestines en terre langagière auprès d’adolescents incarcérés
E Edelman. Clandestinité adolescente.pdf
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Présentation étude SPCS
Présentation_EtudeSPCS_FovetLancelevée[...]
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Les malades mentaux et les longues peines

 

De tout temps, la présence de malades mentaux en prison a posé question, du fait de problématiques éthiques ou de difficultés plus concrètes de "gestion" pénitentiaire. Malgré les évolutions judiciaires et médicales, de nombreux malades mentaux sont aujourd’hui encore incarcérés pour des peines plus ou moins longues, et ces questions du sens et de la place des différents intervenants autour de leurs situations sont quotidiennement réactualisées sur fond de souffrance, d’exclusion, de double peine.

 

Face à ces situations, comment résister au déni, comment ne pas verser dans l’oubli de ces patients emmurés, et de cette psychiatrie ? SPDRE, UHSA, suspension de peine pour raison psychiatrique, atténuation de peine, articulation à des soins contraints sont autant de sujets interminablement remis sur le chantier. Une avocate, un psychiatre et une directrice de service pénitentiaire d’insertion et de probation vont discuter ces dispositions parfois mises en avant, et d’identifier de réelles alternatives et ouvertures pour le parcours de ces malades détenus en évitant les impasses, les pièges et les sens "interdits".

 

 

PSYCHOTIQUES EN PRISON : LES LONGUES PEINES

Karine VERNIERE
Directrice fonctionnelle du service pénitentiaire et d'insertion du Calvados

Ancienne directrice du centre pénitentiaire de Caen


Les chiffres sur les troubles psychiques ou psychiatriques dans la population pénale peuvent varier selon les sources, mais ce qui se dit le plus communément, c’est qu’au moins 30 % de cette population en souffre. C’est, pour ce qui me concerne, ce que j’entends le plus souvent, alors c’est ce que je répète moi-même quand le sujet est abordé.

 

Cependant, quand on commence à chercher des chiffres moins ronds, plus précis, peut-être plus détaillés, on trouve des éléments à la fois disparates et cohérents :
-    Un article de Libération de novembre 2019 évoque des données CGLPL de 2007 selon lesquelles « 8 détenus masculins sur 10 souffrent d’au moins un trouble psychiatrique, parmi lesquels 24 % seraient concernés plus particulièrement par un trouble psychotique. » ;
-    Une publication d’un médecin/journaliste/blogueur, Jean Yves Nau, d’avril 2017 dit que 10 à 20 % des détenus français souffrent d’un trouble psychotique (soit 5 à 10 fois plus que dans la population générale » ;
-    Un long article « Criminologie et psychiatrie » (Benezec, Lebihan, Bourgeois) déclare que « la compilation de 110 études parues sur 30 ans met en évidence que la morbidité psychiatrique touche en réalité 25 à 60 % de la population pénale, 6 à 15 % présentant des troubles sévères, aigus ou chroniques » ;
-    Pour finir, un graphique DGS DAP de 2004 fait état de 17,3 % de troubles psychotiques (mais aussi de 40 % de troubles anxieux, 54 % de troubles dépressifs, 20 % de névrose traumatique et 70 % de dépendances à des toxiques !)

 

Il y a en outre toujours débat sur le probable impact psychique de la prison elle-même, qui produirait donc ses troubles propres, ou qui en tout cas et pour le moins aggraverait divers troubles déjà présents, du fait du stress de l’enfermement, des possibles violences craintes ou vécues, de la surpopulation, etc., etc.Même s’il est communément admis que la prison génère des souffrances, il est difficile de définir ou séparer les troubles « nés » de la peine, de ceux « aggravés » par la peine, ce qui fait qu’il est encore difficile de décréter avec certitude que la prison crée des malades. La notion de « psychose carcérale » est encore controversée, et ce alors même que l’impact de l’enfermement sur le corps, lui, est désormais affirmé (problèmes gastriques, problèmes de sommeil, problème de vue…).

 

Quoi qu’il en soit, ces chiffres, bien que différents et présentant de larges fourchettes, montrent quand même une forte prévalence des troubles mentaux en prison. Les raisons, souvent largement commentées, sont connues et pour le coup répertoriées sans grande contestation : allongement continu des peines, diminution, a contrario, du nombre de décisions d’irresponsabilité pénale, baisse des lits en psychiatrie, et amélioration continue, a contrario là encore, de la prise en charge psychiatrique (détection, soins…) en prison…

Entre l’exigence sociale et politique du « procès » et la présence d’équipes soignantes en prison, il semble aller de soi de nos jours que le fou criminel doit être jugé, sanctionné, et on trouvera toujours motif pour lui reconnaître une part de responsabilité.


Tout en le déclarant responsable presque à tout coup, la justice lui demande souvent, toujours même quand le crime est grave, de se « soigner ». En outre, des expertises jalonnent et façonnent la peine, et leur importance dans l’évaluation des possibilités de sortie ne cesse de croître. L’expertise psychiatrique ou psychologique, aujourd’hui, est l’élément principal et central parmi les éléments observés par les magistrats de l’application des peines lorsqu’il s’agit de décider de l’octroi de permissions de sortir ou de peines aménagées.


Plus les faits sont graves, plus l’acte est psychiatrisé, comme s’il était rassurant pour la société de considérer l’auteur comme « malade ». Dans le même temps, dans une schizophrénie qui reste dans le thème, on refuse que ledit criminel soit déclaré trop fou pour être jugé. Il n’est donc pas assez fou pour échapper à la justice, mais la même Justice lui demande (l’enjoint même) de se soigner et fait reposer l’essentiel de ses décisions en cours ou en fin de peine, sur des expertises psychiatriques, devenues l’alpha et l’oméga de tout aménagement.

 

Il y aurait aussi fort à dire sur l’injonction de soin, qui d’un côté paraît aller de soi dans les crimes qui heurtent la société par leur atrocité : quel est le bon tempo ? Dans la question du soin comme dans d’autres, je reste convaincu, surtout quand il s’agit de longues peines, que la temporalité compte : quel est « le bon moment » ? Il y a des fenêtres chez les gens, closes souvent, à double tour. Mais parfois, sous l’effet d’un programme, d’une rencontre, du bon interlocuteur, elles s’entrouvrent et permettent, parfois un bref moment, de faire passer des messages, d’enclencher des processus… Il y a un bon moment pour démarrer une thérapie, pour faire confiance, pour « sortir » aussi… C’est un discours que je développe souvent auprès des magistrats : forcer les fenêtres du temps ne sert à rien, rater le bon moment peut être, aussi, désastreux… il faut accompagner les personnes, provoquer parfois les opportunités, les repérer en tout cas ensemble, et utiliser les bons espaces/temps, pour avancer.

 

Toujours au sujet de l’injonction de soins, je voulais dire un mot des crimes sexuels, que l’opinion publique aime tout particulièrement considérer comme des crimes de « malades » : en fait, pourtant, il me semble que la majorité de ces crimes n’est pas liée à une pathologie, ou en tout cas pas « causée » par elle, mais plus par des carences éducatives, des lacunes de l’habileté affective et sexuelle, des schémas de valeurs anti sociaux (rapport à l’altérité, au consentement, regard dominant posé sur les femmes, peur de l’intimité, rapport biaisé ou ambivalent à la sexualité…). Dans ce cadre, je ne suis pas sûre que l’injonction de soins soit toujours perçue comme pertinente. Sans oublier que cette injonction porte en elle-même sa propre contradiction, la psychothérapie se basant, dans son principe même, sur une adhésion du patient, sur sa demande, sur son besoin, à lui, par lui-même exprimé.

 

La prison elle-même finalement oscille constamment, tiraillée qu’elle est dans ce paradoxe originel, car entre ses murs de pierre doivent cohabiter ces deux axes de prise en charge, entre sécurité et soins, personnifiés par des professionnels qui se connaissent mal, et se comprennent peu, les personnels de surveillance et les soignants. Ces deux groupes de professionnels qui agissent sur les patients/détenus, par ailleurs, ne travaillent pas « ensemble », ni ne coordonnent leurs actions, pris au piège qu’ils sont par des représentations réciproquement stéréotypées.

 

Dans un autre champ, celui de l’insertion, il existe aussi des enjeux de méfiance complexes, les soignants voyant parfois d’un mauvais œil la pénétration de méthodes cognitivo-comportementales, outils thérapeutiques au départ, qui socle désormais en partie les pratiques modernes des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation. Et d’ailleurs, qu’attend-on, au juste, des soignants en prison ? Apaiser les tensions par le dialogue avec les « cas difficiles » ? Mais aussi par la dispensation de traitements médicamenteux, dont on sait que la moitié des détenus en moyenne sont consommateurs ? On sait que les agents et gradés pénitentiaires font appel systématiquement aux « psys » pour « calmer » le détenu agité ou suicidaire. Par ailleurs, par le biais de l’injonction de soins, les magistrats attendent des soignants qu’ils soient d’une certaine façon des auxiliaires de justice, travaillant par les rendez-vous ou par le biais des traitements, à la diminution de la dangerosité du détenu, et donc, par là même, du risque de récidive. Or, le soignant qui travaille en prison n’en est pas moins un employé de l’hôpital, du ministère de la Santé, et non de la Justice : sa mission est de soigner la personne, de faire diminuer ses troubles afin d’améliorer surtout la qualité de vie, son bien-être. Il y a un clivage profond entre ces deux objectifs, sécurité et soin et il n’est pas rare que chacun voie, de son point de vue, l’autre comme celui qui non seulement ne nous aide pas à bien travailler, mais même, souvent, nous en empêche. Les soignants parfois considèrent que le fonctionnement carcéral ne permet pas des soins efficients. Les pénitentiaires voient parfois les soignants comme des personnes qui empêchent la discipline d’être instaurée (sorties du quartier disciplinaire pour incompatibilité médicale en cas de risque suicidaire par exemple…).

 

Pourtant, il va de soi qu’une prise en charge médicale de qualité est la première condition qui permet de rendre possibles la prise en charge éducative du SPIP, et un ordre social apaisé dans la détention. Une meilleure compréhension des motivations profondes de chaque acteur autour du patient/détenu ou du détenu/patient ne peut qu’être bénéfique à une prise en charge cohérente, compréhensible, et donc mieux vécue par le détenu. Ce n’est pas rien, car l’incompréhension des décisions le concernant est un facteur de stress intense pour les détenus. Quand cette incompréhension est constante ou régulière au fil d’années et d’années de détention, cela ne peut générer que de la colère, de la paranoïa ou des angoisses envahissantes.

 

Les personnes diagnostiquées comme présentant des troubles psychiatriques sont donc nombreuses, en moyenne, dans toutes les prisons, et les problématiques sont différentes selon les types d’établissements : en Maison d’arrêt, le problème majeur est lié à la surpopulation carcérale, qui crée de la promiscuité forcée entre les « malades » et les autres, même si on a vu tout à l’heure que peu de gens vont vraiment « bien » en prison (la consommation de psychotropes nous l’indique). Quand il y a 2, 3, voire 4 ou 6 personnes dans la même cellule, et qu’une ou plusieurs de ces personnes présente des troubles visibles (agitation, TOCs, propos incohérents, paranoïa…), il n’est pas difficile d’imaginer ce que la situation recèle de risques (violences, humiliations pour le malade, mais aussi angoisse et stress pour tout le monde…).

 

C’est aussi en Maison d’arrêt qu’il est parfois fait état des « psychoses carcérales », qui apparaîtraient donc chez des sujets arrivés sans symptômes, et qui en déclencheraient sous l’effet conjugué du choc carcéral à l’arrivée, et des angoisses accumulées pendant la détention. La peur, le sentiment d’hostilité pourraient alors générer, chez des sujets a priori exempts jusqu’alors de manifestations psychotiques, des troubles de type paranoïaques, des démonstrations de peur ou d’agressivité considérées comme disproportionnées, anormales… Cela est d’abord subjectif : le détenu a-t-il réellement des raisons objectives d’avoir peur, ou pas ? Parce qu’il n’est pas forcément anormal d’avoir peur en détention. Certains détenus ne sont pas paranoïaques : ils sont vraiment persécutés, rackettés, molestés… Ensuite, il y a débat entre ce qu’il est de coutume d’appeler la « prisonisation », c’est-à-dire l’acquisition de comportements « adaptés » à la prison, ce qui est un indicateur qui peut être interprété comme sociologique, mais aussi comme psychologique.


Le comportement « de détenu » est-il un comportement normal d’adaptation à un environnement spécifique, ou est-ce un « symptôme », un « trouble du comportement » ?

Chez les longues peines, la détention pose d’autres questions que celles directement liées à la surpopulation, l’encellulement individuel étant la norme dans les établissements pour peine.
Les difficultés sont donc d’un autre ordre, et de plusieurs natures.
Au sujet de la vie en détention : un des premiers risques est l’isolement, et le repli de la personne détenue au fil du temps. Contrairement aux Maisons d’arrêt, où tout est organisé par l’établissement selon des plannings, les centres de détention notamment reposent sur l’autonomie des détenus, qui peuvent « gérer », au moins en partie, leur organisation de vie : activités, audiences, travail… Il leur est demandé de solliciter les activités et les personnels, selon leurs besoins et au fil de l’eau. Selon leurs personnalités de départ, et leur autonomie, certains vont pouvoir utiliser toutes les possibilités offertes par l’établissement, travail, activités, contacts avec les personnels ou les codétenus. D’autres, plus craintifs, moins déterminés ou autonomes vont se replier sur eux-mêmes et s’isoler dans leur cellule au fil du temps.

 

Il y a dans tous les établissements hébergeant de très longues peines un petit groupe de détenus complètement apathiques, ne se projetant plus dans le temps et ne s’incluant dans aucun lien social, aucune activité, aucun projet. Ils sont peu repérés, ne générant aucun trouble en détention. Le problème, c’est que souvent ces personnes ne sont pas demandeuses de soins, somatiques ni psychiques. Mais là encore, ce symptôme est-il psychologique ou sociologique ? Ce n’est pas tranché. Comme il n’est pas tranché non plus le sens à donner aux troubles du comportement manifestés par les longues peines peu avant la sortie : souvent, les détenus à l’issue de leur peine longue, y compris les plus adaptés et les plus paisibles, montrent des comportements erratiques, agités, souvent infractionnels, comme s’ils cherchaient à voir annuler leur sortie aménagée par exemple. Il n’est pas rare que de longues peines fassent leurs premières punitions au quartier disciplinaire à quelques semaines de la sortie, après des années sans n’en avoir jamais vu les cours quadrillées. Il est connu que ces comportements sont en fait quasiment toujours des manifestations d’angoisse face à la sortie, au retour à la réalité, dont les détenus perçoivent qu’il sera difficile : retour en société, en responsabilités, en couple, en famille, dans des contextes divers et complexes qu’ils ne connaissent plus, qu’ils ne comprennent pas toujours, avec, qui plus est, cette sourde angoisse de l’accueil qui leur sera fait dehors, par une population ressentie comme hostile et dangereuse, se méfiant d’eux, voire les haïssant et prêts à s’en prendre à eux. (C’est particulièrement vrai des auteurs d’infractions à caractère sexuel [AICS], qui pensent que du fait des émissions type « Faites entrer l’accusé » ou de la facilité qu’il y a à tout trouver sur internet, seront toute leur vie marqués du sceau de l’opprobre). Dans ces moments-là, on dit communément que les détenus « disjonctent » ou « pètent un câble », expressions qui finalement ramènent à des états de « folie passagère ». Pourtant, nous disons aussi, nous pénitentiaires que cette angoisse, cette peur, est normale, ou en tout cas logique, après des années voire des décennies d’une vie réglée pour beaucoup par l’institution elle-même, avec ses horaires, ses activités, ses multiples prises en charge et ses interlocuteurs connus, repérés, et activables quasiment en temps réel et à tout moment.

 

Dans ma carrière, je n’ai jamais vu un détenu « devenir fou » en prison. (À part peut-être un cas, il y a 25 ans, après un an d’isolement, un détenu m’a fait part de sa peur de perdre la tête parce que sa solitude le conduisait à parler à sa télé). En revanche j’ai vu des symptômes s’aggraver, sous l’effet cumulé du temps, du désespoir, de la solitude, des gestions aléatoires de traitements (échanges, ventes, abandons, prises brutales, mélanges et stockages malvenus…), des allers et retours constants entre hôpitaux psychiatriques, prison, UHSA, avec parfois ce sentiment exprimé de ne plus savoir où est sa vraie place…

 

Est-ce qu’un détenu qui dépérit après 20 ou 30 ans de prison est « malade » ? À quoi est dû sa dépression, ses propos paranoïaques, son apathie ou au contraire sa violence explosive quand il n’a plus d’espoir réel de sortie ? Sachant que parfois, cette absence d’espoir n’est pas une vue de l’esprit… Après 8 ou 9 demandes de libération conditionnelle rejetées et pas de projet alternatif possible, après 25 ou 30 ans de prison, quelle force mentale faut-il pour continuer à espérer quand on est condamné à la perpétuité ? (je me souviens de cet homme à Saint Maur, j’avais 23 ans, il était en prison depuis avant ma naissance, il a agressé un agent au hasard après son neuvième rejet de conditionnelle, je n’oublierai jamais ces hurlements, couché qu’il était sur le ciment de la cour camembert de sa promenade, sous la pluie : « je vais crever ici ! » criait-il. Nous tous, agents, directeurs, épuisés par la lutte qui avait précédé, étions assis en silence sur le sol du couloir, pleurant sous l’effet de la lacrymogène qui nous avait autant affectés que lui, le cœur serré devant ce chagrin absolu et après ce moment de « folie » qui n’en était pas un, finalement, à nos yeux. Même l’agent empoigné déclara ne pas lui en vouloir…).

 

Autre situation, il n’est pas si rare qu’un détenu arrive en prison avec des symptômes immédiatement visibles, qui varient d’une extrême vulnérabilité à une extrême violence, en passant par tous les stades de l’agitation, de l’agressivité, des automutilations répétitives, de la dépendance aux toxiques, à des états de manque spectaculaires, mais qui peuvent aussi se manifester par des formes tout particulièrement problématiques en collectivité (problème d’hygiène corporelle, ou gestion toute particulière des matières fécales, sans oublier les masturbations intempestives et plus ou moins publiques…). Ces comportements sont-ils liés à des troubles mentaux ou sont-ils des manifestations de révolte ou de défi contre l’institution, la Justice, la société ?

 

Je n’ai pas vu de détenu devenir fou, mais en revanche j’ai assisté avec une grande tristesse à des dégradations spectaculaires, physiques, mais aussi mentales, et le souci est que chez les longues peines viennent se cumuler et se percuter plusieurs notions : la dégradation liée au vieillissement, le type de criminalité, la dangerosité et la peur de la manipulation.

 

Soit, il y a un postulat de départ, la prison abîme les corps et les âmes, et on y vieillit, semble-t-il, plus vite qu’ailleurs. Imaginons un détenu de plus de 70 ans, qui a effectué une vingtaine d’années de prison, et qui manifeste des signes visibles de dégradation… S’il se masturbe ou s’exhibe compulsivement, s’il arrête de se laver, est-ce un problème neurologique, une provocation disciplinaire, ou un trouble du comportement lié à une altération psychique ? Est-ce une dégradation liée au vieillissement, une preuve de maintien de sa dangerosité originelle, ou une tentative de manipulation afin de tenter d’obtenir une libération anticipée pour incompatibilité avec la détention ?

 

Quand on lit les expertises des longues peines en fin de peine, ou en fin de vie, il nous semble retrouver les mêmes doutes qu’au moment de la condamnation de départ : la même médicalisation ou psychiatrisation, selon les symptômes, de l’enjeu. Au moment du crime, la question se pose ainsi : s’il est fou, il ne doit pas être condamné, mais soigné. Est-ce qu’il simule ? Est-ce qu’il était totalement fou au moment de l’acte, ou a-t-il eu, ne serait-ce que quelques secondes de lucidité qui le rendent apte au procès et à la peine ?

 

Au moment d’évaluer une éventuelle sortie d’une personne présentant des symptômes graves, la question se repose à l’identique : est-elle « vraiment » malade, trop malade pour rester en prison, ou son état reste-t ’il compatible avec la détention ? Ses symptômes sont-ils neurologiques ou psychiques ? Si ce n’est pas neurologique, est-il possible qu’il simule la folie ? Par ailleurs, ces symptômes le rendent-ils dangereux dehors ? Est-il psychiatriquement dangereux ? Ou est-ce une dangerosité criminologique ?

 

On fait peser, à nouveau sur psychiatres, médecins et psychologues une responsabilité qui va sans cesse croissant : Après « Le prévenu doit-il, peut-il être utilement condamné ? Quelle est sa part de responsabilité dans son acte ? », arrivent les « le détenu peut-il rester en prison ? Est-il vraiment malade ? Est-il dangereux ? Son état est-il compatible avec la prison ? ». Cette dernière question étant finalement un peu biaisée, car si le détenu est dangereux (que ce soit dangerosité psychiatrique ou criminologique d’ailleurs), il sera tentant de le garder en prison, où il est considéré que les soins sont mis en place, car il y a les soignants (peu importe la réalité des temps de vacation, les listes et délais d’attentes..) et qui plus est, les soins ont lieu au sein d’une structure contenante et spécialisée dans la gestion de crise, ce qui n’est pas toujours vrai en hôpital psychiatrique (je me souviens d’un médecin-chef d’un hôpital psychiatrique m’indiquant que ses personnels, quasiment tous féminins, étaient en difficulté pour maîtriser les éléments les plus violents, souvent des détenus d’ailleurs, dans les phases de crise… c’est la quadrature du cercle : les surveillants ne peuvent pas soigner, mais ils savent gérer physiquement les crises, tandis que les lieux de soins, ad hoc pour la prise en charge médicale, sont en peine pour gérer l’aspect parfois sécuritaire de leur prise en charge en cas de crise agressive…

 

Les longues peines posent des questions qui nécessiteraient des réflexions elles-mêmes longues, et apaisées, loin de toute pression. Une longue peine est toujours la réponse à un crime très grave, ou à une répétition de crimes ou de délits en général liés à des formes de violences posées sur des personnes, violences de nature sexuelle ou pas. La violence, quand elle est déchainée ou répétitive, est souvent associée, déjà, à la folie. La violence est souvent considérée, en tant que telle, comme un symptôme. Mais de quoi ? Là est toute la question.

 

Les victimes veulent des procès. L’opinion publique veut des punitions, exemplaires si possible, et considère souvent que la prison est LA réponse, même pour des criminels qu’elle qualifie pourtant, dans le même temps de « fous », de « malades ».

Mais la prison n’est pas conçue pour soigner. Ce n’est pas son objet.
Et, qui plus est, notamment chez les longues peines, on voit bien qu’au mieux elle ne soigne pas, et qu’au pire, elle aggrave les symptômes.


Château-Thierry, établissement pénitentiaire unique recevant des malades diagnostiqués ne relevant pas de l’UMD, UMD précisément, où certains vont passer toute leur peine, pour quelques heures, ou quelques jours, tout cet arsenal répond à une partie des problèmes, quotidiens, ponctuels, ou au long cours.
Mais la question fondamentale reste celle, philosophique, de la responsabilité des fous : doivent-ils répondre de leurs actes ? Et même si la réponse devait être oui, commence alors une autre question, tout aussi complexe : quel est le rôle de la prison pour eux ? Quel est, par exemple, le rôle du SPIP [service pénitentiaire d’insertion et de probation] auprès de ces personnes. Le rôle du SPIP est essentiellement éducatif, dans l’objectif principal de la prévention de la récidive : quand quelqu’un a surtout et avant tout besoin de soins, comment aborder les faits commis, comment travailler sur les habiletés sociales ? Comment évoquer des schémas de comportements quand ces comportements sont surtout le fruit d’une psychose, d’une toxicomanie ou de troubles neurologiques ? Le SPIP accompagne les détenus en milieu fermé pendant les années et parfois décennies de leur peine : quel est notre rôle quand le détenu est schizophrène, dépressif, psychotique ? Si son traitement est très lourd, il est à peine réceptif à la discussion, parce que sonné et somnolant… S’il ne le prend pas, ou mal, il est tout aussi difficile d’instaurer un dialogue avec une personne agitée, anxieuse, impulsive, dont la réalité n’est parfois juste pas du tout la nôtre.

 

Dans tous ces cas, nos schémas d’intervention sont inapplicables, nos outils inadaptés. Les parcours de peines de ses personnes, erratiques à l’extrême [prison, hôpital, transfert pour mesure d’ordre, prison, hôpital, transfert pour mesure d’ordre…] sont des mises en échec évidentes : de structure en structure, ces personnes fragiles et inquiètes sont ballottées de lieu en lieu et de référent en référent pendant des années, sans pouvoir construire aucun lien de confiance, ce qui ne peut que détériorer leur prise en charge, et donc leur état.

 

Je pourrais aussi parler des sorties en fin de peine des longues peines présentant des troubles massifs du comportement, et ce même en fin de vie, de la difficulté à trouver des structures adaptées quand certaines hébergent des familles, où quand les responsables expriment des peurs compte tenu des faits commis, même 20 ans avant, et même quand le détenu n’est plus, physiquement, qu’un inoffensif vieillard… Mais finalement, je dirai la même chose que précédemment : quelle place, pour ces hommes, dehors comme dedans ?

 

En conclusion, je dirais que dans ma carrière, j’ai entendu bien des propos étranges : de celui qui en avait marre que sa mère vienne tous les soirs dans sa cellule, de celui qui voyait des fantômes des suicidés, de celui qui était « l’autre «  fils de Dieu, de celui qui se masturbe toute la journée à s’en blesser, de celui qui dit qu’on empoisonne l’eau du robinet et qu’il y a une caméra dans sa cellule, de celui qui oublie 3 fois par jour où est sa cellule ou de celui qui nous signale être victime de viols 4 ou 5 fois par an…

 

Mensonges, manipulations, mythomanie, diversion, trouble neurologique, psychose carcérale, action du temps sans fin et de la vision rétrécie dans des espaces clos, voire, il ne faut pas l’exclure parfois, réalité, car on voit aussi des choses qu’on n’aurait pas crues possibles en prison, j’étais bien incapable de faire le tri la plupart du temps.

 

La seule chose que je savais, c’est que le dialogue ouvert avec les soignants, la hiérarchie, les magistrats et l’ensemble des personnes soucieuses d’une prise en charge globale et cohérente pour le bien de la personne, qu’on l’appelle patient ou détenu, était la seule solution pour ne pas nuire, déjà, et peut être, si possible accompagner la personne vers le soin afin que la peine soit et reste, utile. Mais ce même dialogue doit aussi permettre, et je le dis autant en tant qu’ancien chef d’établissement qu’en tant que DSPIP, de déterminer quand la peine n’est plus utile, du fait de l’état physique ou psychique de la personne, voire, parce que cela arrive, que la peine ne fasse plus qu’aggraver un état, jusqu’à parfois, un point de non-retour.

 

 

Suicide en prison
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D398
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PROGRAMME

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POSTERS

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Retour sur une expérience de groupe en milieu carcéral :

Le Photolangage, une médiation pour libérer la parole

Lucie Berbigier, psychologue, David Sevec, infirmier

SMPR-EPSM Caen

 

L’incitation au soin en milieu carcéral nous amène à rencontrer des patients aux profils carencés, présentant un fonctionnement psychique caractérisé par des mécanismes de défense archaïques ; déni, projection, clivage, recours à l’agir… mais aussi parfois des difficultés de symbolisation, une incapacité dépressive, de l’alexithymie ainsi qu’un défaut d’altérité.

Ces éléments cliniques peuvent mettre à mal la prise en soin duelle, renvoyant potentiellement à une menace subjective, identitaire, sollicitant des défenses massives. Ils parasitent, attaquent le lien et ouvrent au risque majeur de non-instauration ou de rupture du suivi.

La méthode groupale Photolangage est un moyen d’optimiser le soin apporté dans ce lien à l’autre et à soi. Cette démarche se pense avec le patient, qui choisit de s’inscrire dans ce groupe en plus d’un espace thérapeutique individuel, offrant un étayage à ce dernier. La relance du processus associatif va alors s’établir, se penser/panser au travers d’un média et dans l’enceinte du groupe thérapeutique. Ces modalités de prise en charge permettent d’aménager, de diffracter la relation pour la rendre moins périlleuse.

Nous avons pu, après cinq années d’expérience, mettre en exergue la dynamique psychique de 21 patients, les limites rencontrées (temporalité carcérale, erreurs d’indication, etc.), et les nécessaires aménagements et réajustements de notre pratique au cours de ce temps clinique : groupe limité à 6 patients, durée d’1heure30, etc. Nous avons retracé de manière écrite leur évolution dans leur capacité d’interaction, de verbalisation du vécu émotionnel, en s’appuyant sur les mécanismes groupaux et associatifs. Les participants du groupe ont pu exprimer combien cet espace était sécurisant, constituant un « en dehors de la prison », où ils n’étaient plus soumis à certains codes relationnels.

Pour René Kaës, il s’agit de permettre par la photo, « une induction qui conduit de l’image à la parole ». Dans cette mise en mot, le patient crée sa place, une voie d’accueil aux affects et contribue à la réhistorisation d’éléments traumatogènes.

Le Photolangage® dans « un travail de et en groupe », autorise cet « être et être ensemble » par l’émergence de la subjectivité, la différenciation de l’autre, et l’appropriation de certains aspects de soi. En cela le patient accède à une forme d’autonomie et d’individuation.

Le Photolangage, une médiation pour libérer la parole (poster)
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« Parenthèse »

Un groupe d’accueil et de soins à l’unité sanitaire de Brest

J. Sparfel, C. Rampi, L. Michel, J. Maguet

 

La maison d’arrêt de Brest compte environ 420 détenus. Notre équipe de psychiatrie est composée en équivalent temps plein de : 1,4 psychiatre, 1,8 infirmier et 1,3 psychologue. Nous accueillons les détenus en souffrance selon les modalités d’un CMP. La majorité des détenus qui bénéficient de soins psychiatriques sont ceux qui veulent et acceptent, mais surtout ceux qui peuvent se déplacer jusqu’à l’unité sanitaire. Mais qu’en est-il de ceux présentant une vulnérabilité qui les limite dans leurs déplacements ? Comment accéder aux soins lorsque l’on n’ose pas sortir de sa cellule ? Par ailleurs l’entretien individuel a ses limites dans la prise en charge des patients en difficulté dans l’élaboration. Les activités thérapeutiques peuvent être un recours à ces situations. Nous nous sommes intéressés à ces détenus qui présentent une fragilité psychique les rendant vulnérables, qui se sentent à risque d’être maltraités, agressés par d’autres, et qui nécessitent, du fait de leur situation, de leur souffrance, de leurs troubles mentaux, et de leur repli, des soins sous une autre forme.

 

En nous inspirant d’un travail de thèse à propos de la création d’un accueil d’une population de détenus atteints de troubles mentaux au SMPR de Nantes, nous avons mis en place un accueil hebdomadaire à l’unité sanitaire, proposé à des patients repérés comme vulnérables. Le recrutement des patients est discuté en amont. Nous leur faisons alors parvenir en cellule des cartons d’invitation afin de constituer un groupe qui sera accompagné par deux soignants. Nous sommes ensemble pendant une heure et nous leur proposons d’échanger autour d’une boisson chaude, mais également des jeux de société, de l’écoute musicale, des loisirs créatifs, de la lecture, etc. Ce temps a été pensé pour permettre à ces détenus une sociabilisation, et nous nous sommes aperçus qu’il permet également de faciliter les soins pour certains. Cet accueil a été initié avec des objectifs modestes. Nous avons commencé en juin 2019 avec des groupes de deux patients et travaillons à ce jour avec des groupes de huit. La moyenne du taux de présence par rapport au taux d’invités est d’environ 65 %, ce qui nous apparaît satisfaisant.

Nous avons constaté que malgré l’enfermement, la convivialité de ce moment de soin apporte aux participants une forme de liberté, comme l’a dit un des patients : « être ce temps-là ailleurs ». Certains nous ont confié que c’est par ce biais qu’ils « s’évadent ».

Parenthèse (poster)
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Psychiatrie enfermée ?

Développer l’urgence et la liaison psychiatrique en milieu carcéral

Frédéric Boucher, infirmier d’urgence-liaison au SMPR de Lille-Annœullin,

Dr Bettina Belet, Dr Estelle Demeulemeester, psychiatres au SMPR de Lille-Annœullin 

 

En France, plus de 70 000 personnes étaient incarcérées au 1er janvier 2020. La surreprésentation de l’ensemble des pathologies psychiatriques dans cette population est largement documentée, et 70 % des détenus souffriraient d’au moins un trouble psychiatrique ou d’un trouble de l’usage de substance. Une des conséquences principales à cette surreprésentation est le taux de suicide retrouvé dans les prisons françaises, qui est l’un des plus élevé d’Europe, et qui constitue la première cause de mortalité des personnes incarcérées.

 

Malgré ces constatations, l’inégalité d’accès aux soins psychiatriques entre milieu carcéral et milieu libre est régulièrement pointée du doigt par différentes instances françaises. Dans son avis publié en 2019, le Contrôleur général des Lieux de Privation de Liberté (CGLPL) dénonçait un « accès aux soins ambulatoires (…) très inégal » et constatait « de nombreuses difficultés rencontrées par les personnes détenues pour accéder à des soins psychiatriques ». Il soulignait de plus que « le personnel de surveillance est mal armé pour comprendre la maladie mentale et mettre en œuvre des modalités de prise en charge adaptées ».

 

Le centre pénitentiaire de Lille-Annœullin, siège du Service Médico-Psychologique Régional des Hauts de France, dispose depuis 2014 d’un dispositif unique en France : une équipe d’urgence-liaison psychiatrique. Constituée de 2 infirmiers travaillant en coordination avec un psychiatre et un psychologue, cette équipe mobile calquée sur le modèle des équipes de crise et d’urgence, a pour objectif de proposer une évaluation psychiatrique dans les 24 h, à la demande des détenus, ou après signalement par l’administration pénitentiaire, et de proposer une réponse rapide à toute situation de crise suicidaire ou d’urgence psychiatrique. Sa mission de liaison, à la fois au sein du SMPR, mais aussi à l’UHSA, permet de coordonner la prise en charge psychiatrique des personnes détenues, et d’assurer une égalité d’accès aux soins à l’ensemble des détenus de la prison d’Annœullin. L’objectif de ce poster est de proposer une description du fonctionnement et de l’activité de cette équipe d’urgence-liaison depuis sa création.

Urgence et la liaison psychiatrique en milieu carcéral (poster)
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Étude des pratiques de prescriptions pharmacologiques dans une population de sujet en injonction de soins

R. Ryckebusch, T. Seguret. CHU de Lille

 

Contexte

Les soins pénalement ordonnés et l’injonction de soins en particulier constituent une porte d’entrée dans les soins en santé mentale. Les avancées concernant la prise en charge des patients concernés par cette mesure sont très importantes. En revanche sa connaissance par les psychiatres, principaux acteurs sanitaires de ce dispositif, est jugée insuffisante dans la littérature. Paradoxalement peu d’études s’intéressent spécifiquement à l’injonction de soins, et aucune au moment de la réalisation de cette étude n’étudie les pratiques de prescriptions de psychotropes dans ce cadre.

 

Méthode

Réalisation d’une étude épidémiologique observationnelle transversale multicentrique réalisée sur un échantillon de dossiers de médecin coordonnateur dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais ; dont l’objectif principal est la quantification des non-concordances des pratiques de prescriptions de psychotropes avec les recommandations de bonnes pratiques.

Ensuite une comparaison statistique des troubles psychiatriques et des psychotropes prescrits entre les sujets en injonction de soins et la population générale est réalisée, dans le but de tester la spécificité de ce taux de non-concordance.

 

Résultats

Sur les 91 dossiers éligibles, 82 furent analysés retrouvant un défaut de concordance entre les psychotropes prescrits et les recommandations de bonnes pratiques dans 25,6 % des cas (0,256 IC95 [0,162 ; 0,350]). Parmi ceux-ci le défaut de prescription d’antidépresseurs (0,146 IC95 [0,070 ; 0,222]) et celui de traitement hormonal modulateur de la libido (0,061 IC95 [0,009 ; 0,113]) sont les plus fréquents. Alors que le motif de non-concordance le plus fréquent est « sans raison retrouvée » (0,085 IC95 [0,025 ; 0,145]) devant le refus du patient, et les contre-indications médicales.

Les patients sous injonction de soins ont bien plus de troubles mentaux (93,9 %) que la population générale (20 %) (p= 6.5E-55) mais ne font pas l’objet de plus de prescriptions que cette dernière (25,6 % contre 21,4 % p>0,05).

 

Conclusion

Cette étude, en plus de fournir de nouvelles données épidémiologiques inédites concernant les sujets en injonction de soins, constitue un argument quantitativement objectivable en faveur d’un renforcement de la formation médico-légale des acteurs des soins en santé mentale.

Pratiques de prescriptions pharmacologiques (...) en injonction de soins
Poster _ L'Injonction de soins 20 ans ap[...]
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Présentation du groupe « voix »

L. Biagini, Renaudin F, Frand C, Macouin F, Garnier G.

SMPR CHU Nantes et Institut de musicothérapie de Nantes

 

Le groupe « voix » est un groupe thérapeutique existant maintenant depuis plusieurs années sur le SMPR au centre de détention de Nantes, utilisant la voix comme médium malléable pour permettre un travail progressif de symbolisation aux personnes dont le fonctionnement est marqué par le recours à l’agir et des mécanismes de défense archaïques.

 

Nous souhaitons faire figurer sur ce document d’une part les aspects psychopathologiques auxquels le groupe tente de répondre, d’autre part le travail qui est fait dans le groupe, l’idée étant d’ouvrir la discussion sur les résultats cliniques observés auprès des patients.

Présentation du groupe "voix" (poster)
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